45.

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Le silence est assourdissant. 

Je suis submergée. Je suis le Titanic qui coule et je n'ai pas de seau pour écoper l'eau, je suis l'Erika qui a la coque éventrée mais je n'ai pas de bateau de sauvetage. Le coeur battant, les larmes qui me brouillent la vue, je fais deux pas en arrière sous le choc. Non seulement j'aurais pu éviter tout cela, non seulement j'ai été idiote de ne pas faire la chose la plus évidente ( contacter la police ), mais en plus de ça, encore une fois, je n'étais vraiment d'une poussière dans un univers. Je suis un parachutiste sans parachute, un pompier sans combinaison ignifugée, un dessinateur sans crayon. Je tombe de haut, de très haut, je n'aurais jamais pu imaginer que le réel enjeu était de détruire l'organisation à l'aide de la police. Je n'avais pas une seule hypothèse quand à Corelli, je ne voyais pas pourquoi ça m'était arrivé à moi, ni ce que j'étais supposée faire. Je m'en veux, au fond : comment ai-je pu être si bête ? Comment ai-je pu être si aveugle, chercher et découvrir une planque de criminels et au lieu d'aller voir les autorités compétentes, continuer à plonger dans cet océan de noirceur ? Je suis une idiote finie, et en plus de ça, je suis en très fâcheuse posture maintenant puisque Corelli vient de dire que je suis celle qu'il faut détruire dans cette histoire. Au fond, il n'a pas tort : je suis le seul indice qu'il reste, le dernier pion à abattre, et si je disparais maintenant personne ne retrouvera l'organisation. Pourtant, Thaddeus sourit, et ça me fait froid dans le dos de le voir aussi calme dans une telle situation. Il se penche sur le traître. 

- Sale fils de pute, tu nous a tous vendus. Les flics ont retrouvé notre trace en deux mille quatorze, quand tu as commencé a semer derrière toi des cadavres signés de notre main.

- Mais regarde la vérité en face, siffle celui en face de lui. Tue-la et l'histoire est terminée, plus aucun indice, et tu peut retourner travailler. 

Di Casiraghi le saisit par la gorge.

- Je te ferais regretter d'être venu au monde, siffle t-il.

- Tu est tellement faible, tellement lâche. Un corps de plus c'est un bouquet de fleurs pour toi, pourquoi tu n'a pas le cran de le faire ? 

Le prisonnier me jette un regard avant de continuer.

- C'est ta fiancée ? Ou tu veux la baiser ? Ton cimetière est débordé, peut-être ? Ou c'est juste que tu t'es rouillé au fil des années ? 

Je vois soudainement les phalanges des jointures des doigts de Thaddeus blanchir et j'ai la gorge nouée de ce spectacle. C'est une catastrophe. Rien ne se passe comme je l'avais imaginé, c'est la Bérézina, c'est Waterloo, c'est Rome qui détruit Carthage. Mon monde entier s'éffondre. J'ai la vue brouillée par les larmes, le coeur battant de douleur et de peur parce que je sais que Corelli arrivera à convaincre Thaddeus : je suis insignifiante pour lui et en plus de ça, je sais trop de choses problématiques pour pouvoir sortir d'ici vivante. Je ne pourrais jamais retourner à Londres voir Kira, je ne pourrais jamais retrouver un semblant de vie normale. Les paroles d'Enzo s'ancrent encore un peu plus dans mon esprit et les larmes dévalent mon visage. Tu ne ressortira pas d'ici en un seul morceau. Tu ne pourra jamais atteindre ton but sans le payer très cher. Tu as fait la plus grosse erreur de ta vie. Certains changements nous tuent. Cette histoire te poursuivra jusqu'a ce que tu cèdes. Punaise, je vais y laisser ma vie, et maintenant que cette perspective est devant mes yeux pour de bon, je réalise toute l'ampleur de la chose. 

- La plus grand menace ici c'est toi, souffle Di Casiraghi.

- Vraiment ? Tu ne crois pas que dès qu'elle sera de retour chez elle, elle appellera les flics ? 

- Je ne dirais rien, je déclare. Et il le sait. 

- Violence, tu est une victime dans cette histoire et les victimes ne parlent pas. Tu va mourrir, j'en suis navré, continue Corelli, mais c'est comme ça dans notre monde. 

ULTRAVIOLENCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant