Je fais les cent pas dans le hall de l'hôtel, nerveuse. Il n'y a personne à cette heure, à part les serveurs qui s'activent pour ouvrir la salle du petit-déjeuner pour les gens qui séjournent ici, normalement - c'est une catégorie dont je ne fais malheureusement pas partie. Habillée d'un pantalon beige qui fait très chic et d'un haut noir en dentelle, je fixe les portes en bois derrière lesquelles sont mortes hier un homme. Devrais-je rentrer ? Je suis bien trop en avance, à vrai dire, de presque trente minutes. Le sol sera t-il nettoyé ? Restera t-il les traces de cet assassinat ? La police m'attend t-elle à l'intérieur, alertée par le bruit qu'a fait le pistolet de Victoria et celui de Di Casiraghi ? La nervosité me gagne de plus en plus alors que je continue de faire des allers-retours en ignorant les regards appuyés et intrigués de la réceptionniste, puis je décide de pousser les grands battants marron. J'entre, et referme immédiatement derrière moi avant de fixer l'endroit où se tenait le corps d'Adrian il y a quelques heures de cela ; ni trace de sang, de poudre, de douille, rien du tout. Le tapis paraît comme neuf. Aurais-je rêvé ? Soudainement, la porte claque derrière moi et interrompt le fil de mes pensées car je sursaute et me retourne, sur le qui-vive.
- Je vous ai fait peur ? Excusez moi, déclare l'homme à quelques mètres de moi.
Il a parlé anglais et je suppose que c'est parce qu'on l'a prévenu que je n'étais pas italienne. C'est un homme assez grand, brun, aux traits assez fins ( presque doux ) et en treillis militaire. Un drapeau de l'Italie est cousue à sa manche et je le fixe sans trop savoir quoi faire alors qu'il s'avance vers moi.
- Vous êtes ? je demande.
Il me tend sa main que je serre sans trop hésiter. Une personne de plus ou de moins que je rencontre ici, qu'est-ce que ça changera, au fond ?
- Major Marshall, se présente t-il.
Instinctivement, je recule de trois pas, comme tétanisée. Est-ce que j'ai bien entendu ? Il vient de se présenter comme le major Marshall... Cette fameuse " arme " de Di Casiraghi ? Mon cerveau surchauffe et disjoncte en un instant. Je reste plantée là, à le regarder se faire un café, pétrifiée. L'arme, c'est lui. Et en plus, il a l'air d'être militaire. J'ai lentement le sang qui coagule et qui se glace dans mes veines ; le silence devient si fort que je pourrais m'en boucher les oreilles.
- Et vous, vous êtes ?
Je cligne des yeux et retrouve sans comprendre pourquoi toutes mes fonctions cognitives.
- Violence.
- Non, ça c'est une qualité, dit-il. Votre prénom.
- Violence, je répète. Je m'apelle Violence.
Ses gestes s'arrêtent et il se retourne vers moi. Son regard, comparé à celui d'Enzo, d'Adrian, de Victoria ou encore de Thaddeus, n'est pas impressionnant ou quoi. Il a presque l'air un père, d'un ami, une personne tout à fait normale ; j'en ai peur seulement parce que Thaddeus m'a dit qu'il était une arme. Il doit avoir des compétences dans le crime que le patron recherche, et rien que ce fait me tétanise. Le major porte sa tasse de café à ses lèvres et s'appuie contre la fenêtre en me fixant.
- Laissez-moi faire un pronostic. Vous êtes soit proxénète, soit... Soldat mais vous n'avez pas la carrure. Soit proxénète soit trafiquante. Je vous verrais bien dans les montres ou les bijoux !
- En fait, je...
Il se tape le front brutalement.
- Mais oui, je suis bête ! Vous êtes la compagne d'Enzo, dont il m'a parlé il y a un an.
Je déglutis difficilement.
- Absolument pas.
Silence entre nous. Il avale un gorgée de café brûlant et je continue de le fixer sans m'arrêter, consciente que cela installe un malaise mais incapable de regarder autre part. Littéralement, j'ai l'impression que c'est une bête sauvage qui va m'exterminer si je pose les yeux quelque part d'autre, qu'il va m'attaquer dès que j'aurais le dos tourné. Alors je passe en mode survie et ne relâche pas mon attention de sa personne, même quand il se saisit d'un petit croissant au chocolat.
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ULTRAVIOLENCE
RomanceViolence vit recluse à Carthage depuis trois ans, préparant le jour où elle ira à Palerme pour chercher des explications. Et ce jour est enfin venu. Thaddeus n'est pas le genre d'homme qui transpire la sécurité, la bienveillance ou l'amour. Plutôt...