22. Et je le sens.

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Au son d'une énième mélodie, Bottom of the deep blue Sea, je tourne les pages de mon livre et continue ma lecture calmement.

Il est même rare que je remarque lorsque la musique change, j'imagine que c'est le cas pendant de rares moments de lucidité sur le monde extérieur. Un sourire ironique aurait pu se dessiner sur mon visage froid mais rien ne se passe, non, je continue simplement ma lecture dans ce parc et sur ce banc. Alors que je tourne une énième page, je remarque aisément que le soleil est moins présent qu'au début de ma lecture, et que le vent lui est bien plus présent. Une autre musique passe, Jacob Lee démons, la version philosophique.

Je souris et un instant je ferme les yeux en savourant les notes calmes et la voix grave. C'est presque comme s' il venait murmurer les paroles à mon oreille. C'est apaisant. C'est apaisant de savoir qu'alors que je ferme mon livre et me lève seul, j'entends les paroles. C'est comme être la reine du monde, il n'y a que moi qui entends ses mots, je suis privilégiez et cela emplit mon corps si vide d'un sentiment de fierté idiot.

Je fixe droit devant moi de mon regard vert clair alors que j'avance vers mon établissement. Est-ce que j'en ai envie ? Non. Mais j'ai appris, au fil du temps, qu'on ne fait pas ce dont on a envie. Alors je continue ma marche, un pas, un deuxième et un troisième. Et puis on recommence, alors que, sortant du parc je passe devant le collège je retiens un roulement d'yeux. Ici, puisqu'il est 17h les élèves sortent et..si on fixe leurs jambes on peut aisément remarquer qu'ils ont la même démarche, la même cadence. Tél des militaires formés pour une seul chose, tel les militaires qui part une obéissance stupide font s'effondrer un pont.

Je détourne finalement le regard pour le planter à nouveau face à moi et terminer mon chemin jusqu'à mon établissement. Ici je me plonge à nouveau dans mes pensées quand je sais qu 'aucune voiture ne pourrait risquer de mettre un terme à leurs fils conducteurs. Mon regard est planté dans le vide et mes pieds se dirigent d'eux même en direction de la salle de mes amis. Auparavant j'aurais sûrement été avec Leo, Lila et Soan, mais pas ce soir. Non, ce soir j'avais décidé d'ignorer leurs présences. Après tout, lui le fait, alors pourquoi pas moi.

Un coup à mon épaule me fait brusquement sortir de mes pensées et je relève le regard vers la personne coupable de cela. Je suis sur le point de lui passer un savon digne de tous les savons du monde mais..les mots restent bloqués dans ma gorge. En effet, en relevant mon regard je suis tombé sur le profil froid de Soan. Ses lunettes sont mollement posées sur son nez, ses yeux marron sont rivés devant lui et ses cheveux retombent avec nonchalance sur son front. Auparavant il aurait sûrement fait une blague, se moquant de moi. Mais maintenant non. Il ne tourne même pas son regard vers moi, il continue simplement sa route et bientôt sa silhouette disparaît entre les nombreux élèves présents.

L'étincelle de vie s'éteint dans mon corps alors que je reprends ma route avec cet automatisme malsain. Et je le sens. Je le sens ce poignard qui s'enfonce lentement dans mon ventre laissant s'écouler le sang carmin.

Et elle me fixe dans les yeux, sa haine est visible à travers son regard alors que mes mains sont posées sur ses avant bras. Lentement, tel une torture vengeresse, elle enfonce le poignard dans mon ventre. Je sens tour à tour ma peau se déchirer et la douleur irradier dans chaque parcelle de mon être. J'ouvre la bouche pour gémir de douleur mais seul un flot continue de sang s'échappe de mes lèvres sous son sourire sadique. Qu'ais-je fait ? Un éclat de rire me vient alors que la douleur pour un instant s'atténue.
-Merci.

Je m'arrête au milieu du couloir et pose mes mains sur mon ventre avec un gémissement de douleur. Alors que je ne rencontre que la cicatrice, ma respiration semble s'accélérer. J'ai mal, j'ai aussi mal ce jour-là.. Les douleurs fantômes qu'ils appellent ça.. J'appelle surtout ça un souvenir qui s'accroche désespérément à son porteur.

-Hey ! Yuma ! Ça va ?

Je me décale du mur, retire mes mains de mon ventre et offre à Owen un sourire lumineux.

Y : Oui, bien sûr. Et toi ?
O : Oui, tu m'avais l'air perdu dans tes pensées.
M : Elle devrait sûrement parler à Soan.
Y : Il m'ignore, pourquoi ça serait a moi de lui parler ?
M : Car tu a fui lors de votre rendez vous.

Je soupire et les fixe tour à tour, finalement elle semble comprendre que non, je n'ai pas envie de faire le premier pas vers lui et elle soupire à son tour lourdement.

M : Tu es si têtu.
Y : Merci du compliment.
O : Ah Lala les filles.

On hausse toute deux un sourcils dans sa direction et il éclate de rire avant d'embrasser sa petite amie et de déposer un léger baiser sur mon front.

O : Allez, ne boudez pas.
M : Tu as de la chance que je t'aime.
Y : Tu as de la chance que..que j'ai la flemme d'autre chose.

Il éclate de rire et nous partons tous trois dans une ambiance plus détendue. Mais bien vite pour ma part je ne fais que sourire et répondre par automatisme alors que je me plonge à nouveau dans mes mornes pensées pour réfléchir à des choses bien trop futiles pour autant. Je ferme les yeux alors que nous sortons dehors, le soleil n'est plus là mais la lumière m'aveugle.

L : YUMA MA CHÉRIE !

J'ouvre les yeux, assez tôt pour voir arriver Le droit sur moi mais trop tard pour l'éviter. Je me le prends donc de pleins fouet et nous tombons tous deux à la renverse.

Y : Espèce de fou !
L : Moi aussi je suis content de te voir.
Y : Que me vaut autant de joie ?
L : Disons que ça fait longtemps.
Y : Qu'est ce que tu ferais sans moi hein ?
M : Il aurait sûrement fait brûler la maison.
O : Et serais célibataire pour la vie.

Il se tourne vers le reste du groupe et j'éclate de rire sous son air boudeur. Les prochaines minutes sont sous ses jérémiades avant que Lila ne m'aide à me relever. Par instinct mes yeux cherchent ceux de Soan mais à la grimace de sa meilleure amie je comprends vite que non, il n'est pas là. Oh et puis je m'en fiche.

Échec & MatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant