34. Il est mort

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Ja : Yuma...il est en vie.

Sa voix sonne comme un verdict, comme un verdict insurmontable. Les mots glissent le long de ma colonne vertébrale et brise chaque barrière que j'ai mis des années et des années à construire. C'est quelques mots me brisent entièrement et pourtant en parallèle ils semblent me reconstruire peu à peu. C'est l'esprit. Je ne veux plus espérer.

Nous jouons proche d'un ancien château, c'est seulement des ruines et chacun de nous s'amuse à courir sur le rebord. Le vide est à côté de nous et cela nous pousse, ça fait monter l'adrénaline et ça nous pousse à survivre et donc courir plus vite. Tante Jeanna est proche de nous et ne cesse de nous crier dessus pour qu'on arrête. J'accélère encore un peu. Encore. Encore. Encore.

Un cri, j'ouvre de grands yeux. Mon frère bascule dans le vide. Je saute pour le rattraper mais on me retient. La chute est longue et nous nous fixons. Son corps s'écrase contre la paroie et j'hurle en parallèle de lui.

Non.

Yugo.

Reviens.

Je frissonne violemment et la douleur, la peine, la peur reviennent en flèche. Mais une autre chose remonte aussi, la haine et la colère.

Y : Vous mentez.

Je me sens trembler, je me sens trembler et je suis presque sûre et certaine que ce n'est pas de froid. Je me sens trembler d'une rage brûlante, d'une flamme immense.

Je relève mon regard vert vers lui alors qu'un nouveau souvenir me bloque la vue.

-Yuma ! Yuma viens !
Y : Yugo ! Cesse de crier.
Yu : Mais viens ! Je dois te montrer quelque chose.
Je souris et repose mon livre pour me diriger vers lui, alors que je descends du bord de la fenêtre notre chien arrive et je souris en le caressant. Mon frère hurle encore une fois mon prénom et je souris a nouveau avant d'ouvrir la porte reliant nos chambres et de m'y appuyer.
Y : Quoi ?
Yu : Rien, je voulais juste que tu vienne.
Je lui lance un regard noir et il frisonne.
Yu : Tu sais que si je ne savais pas que ce regard est faux lorsqu'il est posé sur moi j'aurais peur ?
Y : Ah bon ?
Yu : Ton regard lorsque tu es fâché ressemble a des flammes prêtes à tous détruire.
J'eclate de rire et me laisse tomber sur le matelas a ses côtés alors qu'il lis une BD.
Y : Tu raconte que des bêtises. Et tu en lis beaucoup aussi.
Yu : Les Bd c'est très bien.
Y : Si on aime lire des images.

Mon regard ce plonge dans le sien, a moin qu'il ne se plonge dans le vide ? Je ne sais pas. Je ne sais plus. Je n'ai pas conscience des bruits ou des scènes. Je suis plongé dans mon propre esprit.

Est-ce que mon regard est tel qu'il l'as décrit en ce moment même ?

Je pensais être loin de tout ça depuis déjà longtemps, alors pourquoi quelques mots. Seulement quelques mots me bouffent ?

-Yuma...viens..
Y : Non.
A nouveau mon ton est froid. Mais il n'est pas que froid, il appelle surtout aucune contradiction. Lentement mes parents sortent de la chambre et je ne quitte pas du regard le corps frêle de mon frère dans ce lit. J'attrape sa main et la serre alors que mes larmes remontent, le désespoir grandis dans mon coeur a mesure qu'il garde les yeux fermés et que c'est machine ne cesse de faire du bruit. Encore et encore, a chaque respiration, a chaque battements de coeur.
Je veux crier, je veux hurler, je veux pleurer. Je ne peux pas vivre sans lui..je ne peux pas...je ne veux pas…

Mes mains tremblent, mes mains tremblent et un instant j'ai conscience de l'homme face à moi qui recule.

Y : Il est mort.

J'ouvre les yeux dans mon lit, non dans son lit. J'entends des pas dans l'escalier et bientôt la porte s'ouvre. Je tourne la tête dans la direction de mes parents et fixent leurs yeux rougis et les larmes qu'ils retiennent.
Je me sens a nouveau trembler et pleurer. Non...non...c'est pas possible..
-Yuma..ma chérie...nous devons te parler..
Je ne veux pas vous écouter. Taisez vous. Taisez vous. Je ne veux pas vous entendre…
-Ton frère...il est mort.
Mon coeur se brise, et tout ce qui est de moi disparaît en lambeaux. Je me lève et je cours hors de la maison, je pars vers le jardin mais mes jambes se dérobent et je tombe. Je tombe à genoux et fixe le ciel avec un long hurlement.

Y : Il...il est mort…

A nouveau je me sens tomber a genoux en pleurant. La peur dans son attitude disparaît et il s'approche lentement. Lentement comme si j'étais un annimal sauvage, un annimal sauvage et blessé.

L'image de Yugo ne cesse de revenir dans mon esprit et la douleur pourtant si lointaine me paraît si forte.

Ja : Je t'assure..il est toujours en vie.
Y : Taisez vous.

Je me relève lentement, en automatisme. Je plonge mon regard dans le sien, menaçante. Je ne veux pas d'espoir, j'ai esperer des mois et des mois avant sa mort. Alors les mauvaises blagues je n'en veux pas.

J'avance, ma longue robe noir derrière moi et ma cravate noir. Pourquoi une cravate simplement autour de mon cou ? Car il l'aurait porté. Alors je la porte pour lui. Je ne vois pas l'utilité de vivre alors qu'il n'est pas là mais..je ne veux pas le décevoir en faisant quelque chose qu'ils n'accepteront pas. Je ferme les yeux et continue d'avancer, j'ignore les personnes. Il n'y en a pas tellement. Nos amies, notre famille proche. Mais c'est tout. Léo, Margot, Owen, Jeanne, maman et papa.
Nous sommes seulement ça. Il mérite plus. Non, il ne mérite personne. Il mérite un enterrement silencieux. Silencieux car il voulait ça. Mais personne ne m'écoute quand je leur dis. Personne. Je ne suis plus que Yuma, alors que nous étions Yuma et Yugo.

Je ne suis plus que Yuma.

Y : J'ai été a son enterrement. J'ai été le voir à l'hôpital. J'ai vu sa chute.
Ja : Yuma..

Je me tourne et je cours hors d'ici, loin de lui, je cours pour fuir les propres démons. Je cours pour l'oublier. Je cours pour me perdre moi même.

Échec & MatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant