23. L'eau glacée.

27 8 10
                                    

Je me réveille le matin après un énième cauchemar. Je soupire et repousse la couverture directement avant de poser les pieds au sol. Tout mon être frissonne de froid, oui il ne va pas frissonner de peur en même temps.

Quoique, le chiot qui fonce vers moi puis glisse sur le parquet est très terrifiant. Je rigole et me penche pour l'attraper alors qu'il se met à lécher mon visage avec application.

Y : Bonjour ! Ça va ?

Bien sûr, sans étonnement, il ne me répond pas. Je le pose dans mon lit alors qu'il part jouer avec sa queue et ma couette et je me dirige vers ma douche. Je prends soin de ne pas mouiller le plâtre, je n'y vois aucun inconvénient mais mon médecin n'apprécierait pas trop.

Une fois prête je pars vers la table pour manger, mon ventre crie famine et les jambes appellent à de la nutrition. Le corps humain est très faible, n'empêche, quelques heures sans nourriture et il supplie d' avoir la moindre calorie. Je soupire et m'assieds à la table alors que Jeanne relève son regard du journal.

J : Que fais-tu aussi tôt réveillé ?
Y : Je doute que cette phrase soit grammaticalement correcte.
J : Café ?
Y : Chocolat.

Elle sourit et me tend ma tasse de chocolat alors que j'attrape des bn et commence à me tremper puis à les manger en fixant Jeanne. Après une dizaines de minutes à la fixer, elle finit par relever le regard de son journal et me fixer par-dessus ses lunettes. Je pense toujours que les gens qui regarde par dessus leurs lunettes c'est..idiot ? Enfin, à quoi bon avoir des lunettes dans ce cas ?

J : Oui ? Pourquoi me fixe tu comme sondant l'entièreté de mon âme ?
Y : Pour rien, je le réveille juste.
J : Tu fais quoi aujourd'hui ?
Y : Je vais aller faire un tour, je ne sais pas quand je vais rentrer.
J : Fais attention à toi et-

Je soupire et n'écoute plus son sermon. Comme habituellement elle va me faire le discours qu'une mère de famille ferait mais..ce n'est ni une mère et encore moins une mère de famille. Ce qu'on est ne peut socialement pas être appeler de " famille "

Je range mes couverts puis attrape mes affaires et appelle Smoothie. Il arrive quelques minutes plus tard et après un " A toute " nous sortons tous deux.

Alors que je marche vers le parc, je passe devant une boulangerie et fixe les cookies. Bon..je viens de manger mais j'avoue qu'ils me font envie. Je repasserai par là plus tard ! Je finis par reprendre ma route soulevant le chiot qui n'est plus en capacité physique de marcher. Et oui..ça me rappelle mon ancien chien, au début aussi papa le portait pendant les balades. Car ils ne peuvent marcher qu'une dizaine de minutes, et à mesure de leurs évolutions le temps se rallonge avec néanmoins des pauses nécessaires.

Arriver face à l'orée de la forêt je descends le regard vers mes chaussures et râle. Bon..je devrais sûrement les laver au retour mais bon. J'avance donc en caressant doucement son pelage clair et nous finissions par nous engouffrer dans la forêt aussi proche des animaux que possible.

Après dix minutes de marche, je me trouve face à face à une biche solitaire. Je la fixe longuement sans bouger et elle fait de même en silence. Finalement après s'être analysé de longues minutes elle part lentement. Elle sait que je ne serais pas un danger pour elle, et je n'en serais pas un non plus. Je souris et continue ma route.

Une légère pensée s'insinue dans mon esprit sans que je ne le veuille vraiment.

" Elle aussi est seule, alors pourquoi t'attaquer ? C'est inutile. Vous êtes toutes les deux seules et .. abandonné. À moins que ce ne soit par choix "

Je secoue la tête et terminé mon chemin pour arriver vers un rebord, je sais d'avance que si je m'y appuie j'aurais une vie sur la ville d'en face. C'est ce que je faisais avec lui lorsqu'il venait avec moi. Mais aujourd'hui je ne le fais pas, non, je ne m'y appuie plus depuis quelques années maintenant.

A la place je pose Smoothie qui part découvrir l'endroit et je m'assied sur le rebord laissant mes jambes pendre et effleurer l'eau. Je reste là de longues minutes à fixer le vide. Je me demande..je me demande ce qu'il aurait fait s' il était là. Mais une de mes pensées les plus équivoque du moment est, que se serait-il passé s' il était là ? Serait-ce dans cette même position ? Tout serait peut être différent. Ils seraient peut-être en vie. Peut être.

-Hey Yuma ! Viens on va nager !
Y : Mais on ne va pas nager alors que nous sommes au mois de Mars ! L'eau doit-elle être gelée ?
- Depuis quand t'importe tu de ce genre de chose ?
J'hausse les épaules, et à travers ses mèches brunes il me fixe défiant.
-Viens.
Y : Tu es agaçant.
-Oh non..je suis bien le seul à ne pas t'agacer.
Il sourit fier de lui et je secoue la tête, le pire c'est qu'il a raison.

Ce jour-là nous avons finalement nagé, il gagnait toujours nos joutes verbales. Je le laisse toujours gagner même quand j'avais la possibilité de le faire perdre ? Pourquoi..? Car c'est lui, simplement et irrévocablement.

J'abaisse ma main vers l'eau et ..oui, elle est froide. Je joue un instant a juste effleurer l'eau du bout de mes doigts avant de me relever. Là, je plonge mon regard vert dans les lumières de la ville face à moi. Un jour je traverserais cette eau, je la traverserais et je ne reviendrais plus jamais en arrière. Mais pour l'instant..il me reste encore des choses à régler de ce côté de la rive.

Alors que mon chiot s'approche de moi réclamant de l'attention, je sens mes épaules s'abaisser. Aujourd'hui personne ne me forcera à nager dans cette eau froide. Non, car il n'est plus là. Je sens mon corps se crisper et mon regard se faire bien plus orageux. Le chiot à mes côtés grogne légèrement face à ma rage évidente. Comme semblant la ressentir, la comprendre et l'aider lui aussi.

Il n'est plus là, et je n'ai même pas pu lui dire au revoir.

Échec & MatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant