29. Un rendez vous instructif.

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-Avez-vous déjà songé à vous auto-mutiler ou à mettre fin à vos jours ?

Je sursaute et relève le regard vers elle, elle me fixe de ses yeux presque éteint et elle tapote son crayon contre son calepin. D'accord donc là je dois répondre ? Honnêtement heureusement que c'est ma dernière séance chez elle.

Y : Non, jamais.

Elle note quelque chose sur son carnet et je la fixe les sourcils encore un peu plus froncés qu'au début de nos entretiens. Au plus les questions avancent et donc les séances aussi, au plus j'ai l'impression de subir un interrogatoire.

G : Comment s’est passée votre enfance au sein de votre famille ?

Subtile, mais un interrogatoire quand même.

Y : Mes parents travaillaient tous deux, mon père en tant qu'agent de police et ma mère avocate, ils ont toujours été passionnés par leur travail mais ils étaient présents. Je n'ai pas à m'en plaindre.
G : Pourquoi ne parle tu jamais de ton frère ?
Y : J'en ai pas.
G : Yuma, j'ai ton dossier.
Y : Madame Garcia, avec tout le respect que j'ai pour vous je ne suis pas là pour parler de cet événement.
G : Pourtant tu n'as vu aucun spécialiste après.
Y : Je n'en vois pas la nécessité.

Elle fronce les sourcils et je croise les bras. C'
est un sujet que je ne veux pas aborder, je tolère mes parents mais il ne faut pas non plus réclamer l'entièreté de mon histoire. Je fronce les sourcils en la voyant écrire et je ferme une demi seconde les yeux, le grattement du papier laisse place au bruit des vagues et son image est remplacée par le corps d'un enfant, d'un enfant face au vague. Il se tourne vers moi et souris, je souris aussi et nous courrons tous les deux vers l'eau. Mais nous sommes jeunes, trop jeunes, alors nos pieds s'emmêlent et dans un éclat de rire nous tombons au sol.

Je souris à ce souvenir vague et rouvre les yeux. Voilà une des principales raisons pour laquelle je ne souhaite pas venir ici, les souvenirs.

G : À quel point vous sentez-vous lié à votre entourage ?
Y : Je dirais que nos liens sont plus ou moins fort comme chaque lien et que parfois il s'effrite mais qu' il ne se casse jamais. Ne vous inquiétez pas, je ne suis pas seul.

Elle sourit, je sais où elle veut en venir et elle a vite fini par comprendre que je le savais. Les questions s'enchaînent sur moi, ma famille, mes amis, ma scolarité et puis nous revenons rapidement à cette journée là.

G : Rêve tu de cette journée ?
Y : Oui et non.
G : Comment ça ?
Y : Je fais des rêves mais ils ont des éléments communs, mais jamais l'entièreté de cette journée.
G : Lesquelles ?
Y : Le feu..l'arme..le sang.
G : Comment te sens tu au réveil ?
Y : Vide.
G : Ce vide se remplit-il ?
Y : Il finit toujours par le faire.

A nouveau elle griffonne quelque chose sur son carnet et à nouveau je dois retenir un soupir exaspéré. Mais que peut-elle bien noter dans son fichu carnet ?

G : Souhaites-tu tuer le responsable ?
Y : Non.
G : Souhaite tu qu'on le trouve ?
Y : Oui.
G : Souhaite tu le trouver seul ?
Y : Si j'en ai la possibilité.
G : Donnera tu l'information à la police même si cette personne est proche de toi ?

Un moment de silence. Je comprends vite que cette question est la plus importante. Et la plus sournoise.

Y : Oui.
G : Pourquoi ?
Y : J'estime que cette personne doit passer en justice et payer les conséquences de ses crimes.

Elle sourit et boucle son carnet, relevant le regard vers moi elle croise les jambes. Quelques secondes nous nous fixons dans les yeux sans rien dire et j'imagine que c'est le dernier test, la dernière évaluation avant que notre séance se termine.

Je maintiens le regard mais malgré toute mon attention dérive, c'est comme si l'obscurité faite par les zones d'ombre de la pièce se transformait en mille et un papillons. Des papillons de nuit que je souhaite dessiner, malgré mon manque cruel de talent en la matière.

Je demanderais à Léo.

G : Bien. Notre séance est finie.
Y : J'imagine que je dois vous dire adieu ?
G : Oh mais ma porte est ouverte si tu le souhaites.
Y : Je retiens.
G : Je dois aussi voir ta tante.
Y : Elle ne veut pas.

Je la vois froncer les sourcils et je hausse un des miens.

Y : Je viens de comprendre.
G : De quoi ?
Y : Ça, ce n'est pas une question, ni une proposition. Elle doit venir.
G : Tu es maline.
Y : Et mon dossier ira à la police.
G : Et très observatrice.
Y : Etait-ce une analyse psychologique en destination directe de la police ?
G : Pourquoi ? Tes réponses auraient été différentes ?
Y : Pas le moins du monde.

J'aurais répondu la même chose. Exactement.
Je me relève lentement et observe les différents objets de la pièce, notamment le tableau accrocher un mur, c'est un remix d'un de ses anciens patients. On y voit deux mains tendues l'une vers l'autre. Mais si on observe bien il y a une main qui souhaite plus attraper l'autre, la deuxième ne fait que figurer, elle ne veut pas attraper elle veut laisser croire qu'elle souhaite ça.

L'un ment et l'autre est actif.

Je la sens se rapprocher de moi et le carnet dans les mains elle murmure.

G : Quel main est tu ? 
Y : Ça dépend, qui est la personne en face ?
G : Ton frère.
Y : Alors je suis active.
G : Tu devrais revenir et me parler de lui.
Y : J'ai fait mon deuil.
G : Si tel était le cas tu aurais été passive.
Y : Je ne crois pas, cela aurait signifié que je ne désirais pas le sauver. Et c'est faux.
G : Tu peux y aller.
Y : Au revoir madame.
G : Prends soin de toi Yuma.

Je lui souris une dernière fois avant de partir vers la sortie, la je souris légèrement à Soan qui attend son tour pour sa dernière séance aussi, enfin normalement, et je finis ma route.

{ Conversation par message }
Soan : On se voit après ?
Yuma : Jeanne m'a demandé de rentrer mais si tu veux on s'appelle a ta sortie ?
Soan : Okay, je rentre. Bisous. 
Yuma : Bisous.
{ Fin de la conversation par message }

Je range mon téléphone dans ma poche et enfile mes écouteurs, je termine mon chemin a mesure que les notes de " Enemy " se font entendre. Et bien vite, bien trop vite à mon goût, je serais bien restée des heures à me promener en écoutant de la musique, j'arrive à la maison.

La je salue Tante Jeana qui travail sur un dossier et je pars vers le canapé, ici Smoothie est blottit dans un de mes plaids avec un des nounours que je lui ai acheté. Celui en forme d'étoile. Je souris a sa vue et caresse son pelage en fixant du coin de l'oeil ma tante.

La psychologue vient de jouer son ultime pion, la main est au policier puis elle sera à ma tante, sûrement.

Échec & MatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant