26. Ta gueule.

36 7 15
                                    


Ça fait bientôt trois heures que nous sommes enfermés ici, trois heures et une vingtaine de courses de pluie, et j'ai fini mon livre. Autant vous dire...je m'ennuie. Fortement.

Je tourne le regard vers Soan en cherchant une occupation. Monsieur est au bureau, je le vois de profil seulement. Ses cheveux fin et brun retombe sur son visage et ses yeux sont cachés par quelques mèches et surtout par ses lunettes. Il a les sourcils légèrement froncés, signe de sa concentration. Je souris en observant chaque détail de son visage puis de sa posture.

Un instant j'imagine que dans une autre réalité je me serais levé, j'aurais passé ma main le long de son dos avant d'embrasser sa nuque et d'observer ce qu'il dessinait.

Mais voilà, nous sommes dans cet univers. Et là, la seule chose que je fais est rouler des yeux et me relever en m'etirant.

J'ai longuement réfléchi à tout ça. Et à moins que j'ai oublié quelques détails, ce qui m'arrive jamais, voici un résumé.

Soan est rentré dans ma vie avec Lila sans que je le veuille. Il m'a littéralement foncé dedans, ou inversement. Puis finalement nos groupes d'amis, grâce à Léo, se sont liés et nous avons passé beaucoup de moment ensemble. Je le connais et il me connaît. On a passé le nouvel an tous ensemble, et il est même venu chez moi un jour car il s'inquiétait. Il est venu me voir à l'hôpital et m'a invité à une soirée rien qu'à nous.

Cette soirée a vraiment était géniale, et lorsque j'ai refusé son baiser et que j'ai fuis ça a détruit le semblant de lien qui nous lie. Et nous nous retrouvons maintenant à nous ignorer, ce qui pèse sur l'ambiance de notre groupe.

Et je suis d'accord, je déteste qu'il ne me regarde pas où ne me parle pas. Je préfère même ses blagues nuls ou encore ses taquineries agaçantes. Non, la c'est rien que le silence. Et il y a parfois des silences, qui sont bien plus violents que des mots.

Je soupire une nouvelle fois et commence à déambuler dans cette chambre sans savoir quoi faire. Après un énième tour j'entends un soupir, et pour une fois celui-ci ne vient pas de moi.

S : Putain mais assied toi !

Je me tourne vers lui, ce sont ses premiers mots pour moi depuis ..délaissée moi compter. Depuis exactement 8 jours. Je le fixe dans les yeux et me rapproche assez pour qu'il doive relever la tête pour me regarder. La je pose mes mains de part et d'autre de son corps et je souris une nouvelle fois. Du même sourire que celui qu'il a eue plus tôt dans la soirée.

Y : Enchanté Soan, je suis Yuma. Heureuse que tu viennes à nouveau m'offrir le doux son de ta voix.

Mon sourire s'évanouit, comme pour lui montrer que non, je n'aime pas cette situation. Et lui il recule un peu plus sur le bureau pour séparer nos corps.

S : Ta gueule.
Y : Ce n'est pas poli ça mon cher. Tes parents ne t'ont-ils pas appris ?
S : Et les tiens ?

Je recule brusquement alors qu'il semble prendre conscience de ses mots. Directement je repars contre ma fenêtre et le renferme sur moi même.

Les gens disent souvent de moi énormément de choses, et même si je laisse traîner les oreilles un peu partout j'essaie surtout de ne pas y apporter d'importance. A quoi ça sert d'écouter ce que disent les gens ? Est-ce qu'ils ont vécu la même chose que moi ? Au même moment ? Me connaisse t il vraiment ? Savent-ils qui je suis ? Ce que je ressens ? Non, aucun ne le sait. Aucun de ceux qui se comportent ainsi je veux dire.

Et lorsque je laisse tomber un temps soit peu de ma barrière je me trouve à devoir affronter un monde extérieur bien trop hostile. Et bien sûr dans ce combat je suis seul. Pourquoi suis- je ici ? Dans cette chambre ? Face à un garçon qui, de toute évidence, a déjà tiré un trait sur moi. A tel point qu'il peut sans détour me mettre toutes les évidence dans la pincette ?

Échec & MatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant