35. Haine.

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Je me laisse tomber ici, je ne sais pas comment je suis arrivé ici. En vérité, je ne pense pas vraiment avoir conscience de ce qui m'entoure. Alors que je me " réveil " ou que je sort la tête de l'eau, comme reprenant une respiration après une séance d'apnée, je suffoque.

L'air n'est pas respirable.

Je me roule en boule et je fixe l'eau, la si grande étendue d'eau et la ville. La ville qu'on a promis de visiter.

J'ai souvent, bien trop souvent, imaginer des scénarios dans lesquels il revenait. Mais après des années à le faire ses scénarios je n'arrive plus à y croire. Quelle odeur avait-il ? Sa voix avait changé mais comment ? A quoi ressemblerait-il ? Tant de choses qui m'ont poussé à abandonner cet espoir. A quoi bon espérer qu'une personne revienne alors que vous l'avez enterrée.

Et pourtant, comme un fantôme du passé, James vient m'annoncer que non il n'est pas mort. Mais c'est pas possible mes parents me l'ont dit, les médecins aussi, on l'a enterré.

Ce n'est pas possible, c'est une blague, c'est un test. C'est un test que j'ai raté. Tremblante je m'attends à voir arriver des médecins en blouse blanche à tout moment.

M'interner. C'est sûrement ce qu'ils feront. Et pourtant c'est injuste. Pourquoi m'interner alors que j'ai perdu la seule chose qui me faisait me sentir moi même. C'est la seule personne au monde qui le connaisse bien et qui c'est tout de moi.

On me l'a retiré alors pourquoi devrais- je en subir les conséquences ?

On dit souvent que les jumeaux ont un lien, un lien pur mais surtout puissant. J'ai vécu avec lui depuis le début, depuis le début de ma création alors comment voulez-vous que je sois saine d'esprit quand lui n'est plus là.

C'est comme lorsque vous perdez soudainement la vue, votre cerveau réorganise la zone lésée mais jamais celle-ci ne sera réparée. C'est pareille pour moi, j'ai appris à me réorganiser mais je ne serais jamais réparé. Et puis à quoi bon me réparer ? Il n'y aurait aucune utilité à ça.

Je me relève subitement et avance vers chez moi. Me laisser loir contre le sol froid ne me le fera pas revenir je dois avancer. Je dois avancer comme il aurait voulu que je le fasse. Je dois avancer . Je dois avancer comme si nous étions toujours ce nous.

Alors lentement mes pieds avancent et je fais taire mon cœur qui hurle. Le cerveau est tout fort que le cœur, le cœur n'est qu'un organe qui distribue le sang. Le cerveau contrôle.

Je suis le cerveau. Alors je contrôle. Et je ne veux pas me laisser faire.

Une erreur de dossier. C'est sûrement une erreur de dossier.

Et je le détesterais pour ça.

Mais si ça n'en a pas une ?

Et si il était là ? Pourquoi m'aurait-on menti. Je les détesterais pour ça.

La haine, quel doux poisson.

C'est lui qui est tombé alors pourquoi c'est moi qui ne cesse de chuter ? Pourquoi c'est mon corps que le vent ne cesse de torturer ?

La nuit est tombée, je m'en fiche.
Les étoiles sont bien hautes dans le ciel, j'en ai que faire.

Pourquoi apporter de l'importance a une chose qui est déjà morte ? Oui car spoiler alerte, les étoiles nous éclairent mais leurs lumières est seulement visible par projection d'il y a des centaines d'années.

Elles sont mortes et nous idolatront leurs lumières qui n'est qu'illusion.

Stupide humain que nous sommes. Et après nous, nous considérons la race la plus intelligente ?

Je pousse directement la porte et Jeanne se précipite vers moi et me serre contre elle. Son odeur de parfum que j'apprécie m'étouffe et sa chaleur me brûle.

Non. Ne me touche pas. Toi aussi tu as menti ? Combien de personnes ont menti ? Combien ?

Je la repousse avec rage et la fixe. Elle frémit et j'avance lentement vers elle. Elle hurle, elle hurle qu'elle s'est inquiétée. Je ne l'écoute pas. Seule une de ses réponses donnera le ton de la fin de cette discussion.

J : YUMA ! JE ME SUIS INQUIÉTER… tu peux pas partir...tu peux pas...tu peux..j'ai cru que..
Y : Tu le savais ?

Elle s'arrête. Ses phrases sans queue ni sens cessent enfin et son regard se voile alors qu'elle détourne les yeux. Regarde moi. J'avance et son regard se plonge à nouveau dans le mien.

Le mien dois la tuer en silence, le sien appelle à l'aide. Elle ne le prononce pas. Mais je sais. Je le lis. Elle savait. Elle a menti. Elle aussi.
Pourquoi ?

Je ne supporterais pas encore une réponse. Je tourne les talons et part. Elle ne me retient pas. C'est inutile.

Ils me l'ont caché. Ils m'ont caché la seule chose qui aurait pu faire de moi une meilleure personne. Je les hais.

Dans mes plans de vengeance j'oublie de regarder où les pas me mène. Une porte. Je toque. Quelques secondes à peine après, ou peut-être était-ce des minutes ? La porte s'ouvre dans ce grincement singulier et la silhouette d'Owen apparaît dans l'encadrement. Ses yeux sont rouges, il devait jouer dans le noir, encore. J'ignore son air surpris.

O : Yuma ?

Je l'ignore. Je l'ignore et je monte directement à l'étage. Où je vais ? C'est simple pourtant à deviner. Je vais là où j'ai toujours été dans ses situations.

Je pousse cette porte, je la ferme derrière moi.  Je le fixe alors qu'il est allongé dans son lit. Il relève le regard vers moi et me sourit. Je ne réponds pas.

L : Hey Yuma ! Tu fais quoi ici ?

Je ne réponds pas. Non. Je continue de le fixer. Je lui raconte silencieusement. Il ouvre de grands yeux et je vois ses mains trembler. Il se lève et court vers moi.

L : Yuma...non..c'est..putain...je les hais.

Moi aussi Léo.

Il me prend dans ses bras et nous tombons ensemble dans le lit. Je pose ma tête sur son cœur, il pose ses mains dans ma nuque. Je ferme les yeux et je me concentre sur les battements. Les battements s'accordent au lien et surtout la mélodie de sa vie empêche mes démons de détruire et déchiqueter mon corps de l'intérieur. La mélodie me permet de chasser les souvenirs.

Chacun de nous s'accroche à l'autre. Car en s'accrochant à l'autre on s'accroche à lui. Et lui, et lui c'est ce que nous avions de plus cher. Léo. Yuma. Yugo. Trois. Trois dans un groupe de cinq. Ça a toujours été trois dans un groupe de cinq. Pas deux dans un groupe de quatre.

Dans un groupe, il y a toujours des liens plus forts que d'autres.

Échec & MatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant