T'es un con parce que tu t'autorises pas à être honnête émotionnellement et à dire ce que tu ressens. Parce que tu crois qu'un vrai mec, c'est quelqu'un qui transforme toutes ses émotions en colère. T'es un con parce que tu fais du mal aux autres, e...
Écoute, ne chantes-tu jamais quand tu travailles à un cercueil ? On dit que les Titans fredonnaient tout en creusant les cratères des volcans, et le fossoyeur dans la pièce de théâtre chante en creusant la tombe de sa bêche. Toi, ne chantes-tu jamais ? – Chanter, sir ? Si je chante ? Oh ! ce genre de choses me laisse assez indifférent, sir, mais la raison pour laquelle un fossoyeur chante doit être que sa bêche n'est point musicale.
Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.
Sur une route totalement paumée de la Virginie-Occidentale, ce jour-là, un drôle de chantier était en train d'avoir lieu. Chacun s'affairait à déménager la famille Pradnesh, il ne fallait pas trainer si on voulait être efficace. Vi, Merle et Rajendar se chargèrent d'attacher la remorque de la moto à la Dodge. Mais pour ça, il fallait d'abord ôter leur propre remorque, et donc en redistribuer le contenu. Vi, en très peu de temps, réorganisa ses deux coffres, celui du quatre-quatre et celui du toit, et parvint miraculeusement à en caser une bonne partie. Le reste alla tenir compagnie à la Royale Enfield dans la nouvelle remorque, plus grande que l'ancienne.
Kitty, de son côté, surveillait les deux petites filles et les accompagnait pour réunir leurs affaires, sous l'œil toujours attentif et sur ses gardes de leur père.
Super, se disait Merle, alors qu'il terminait de fixer l'attache de remorque, son minivan de l'apocalypse allait se changer en jardin d'enfants. Entre la grande qui disait rien et tirait une tête d'enterrement, et la petite qui pleurait sans arrêt et réclamait plus d'attention que le multiball d'un flipper, ils allaient être bien.
Soudain, un bruit de grelot dans son dos l'interpella et le fit se retourner. Il tomba nez à nez avec la plus petite des gamines, la pleurnicharde. Elle tenait un truc dans ses bras moitié aussi grand qu'elle, une espèce de peluche difforme. C'était son jouet qui faisait ce bruit de clochette.
« Qu'est-ce que c'est qu'ce machin ? - C'est pas un machin, s'écria Sarika d'un ton outragé et accusateur, c'est Poum-Poum ! »
La créature se présentait sous la forme d'un long boudin coloré, avec des yeux à un bout.
« C'est quoi, un ténia ? s'amusa Merle. - C'est un serpent ! hurla quasiment la petite. T'es bête ou quoi ? Tu connais rien du tout ! »
Elle le fusillait d'un regard lourd de reproche. Il venait visiblement de se rendre coupable d'un grand sacrilège.
« C'est un boa cons-tru-cteur », déclara-t-elle, en détachant soigneusement chaque syllabe.
Évidemment, ses deux coéquipières n'avaient pas perdu une miette du spectacle. Vi se gondolait déjà, et Kitty avait un grand sourire émerveillé.
« C'est trop mignon ! s'extasia-t-elle. - Poum-Poum n'est pas mignon, intervint le père de famille, Poum-Poum est terrifiant. Si on le perd, là vous verrez ce que ça signifie vraiment, la fin du monde. »
Les trois autres adultes virent à l'expression sur son visage qu'il ne plaisantait absolument pas. Rajendar avait cet air de terreur respectueuse que seules deux sortes de personnes au monde pouvaient afficher : un croyant en présence de son Dieu, ou un parent face à l'objet qui pouvait à la fois le sauver ou le damner. De toute évidence, il avait davantage d'anxiété à l'idée de perdre Poum-Poum que sa voiture. Ce qui était, il fallait le reconnaitre, purement logique. Les voitures, il y en avait partout. Mais il n'y avait pas deux Poum-Poum dans le monde entier.
