T'es un con parce que tu t'autorises pas à être honnête émotionnellement et à dire ce que tu ressens. Parce que tu crois qu'un vrai mec, c'est quelqu'un qui transforme toutes ses émotions en colère. T'es un con parce que tu fais du mal aux autres, e...
Car dans ce bas monde, camarades de mer, le péché qui paie sa place peut voyager librement et sans passeport, tandis que la vertu pauvre se voit arrêtée, elle, à toutes les frontières.
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« La jupe coincée dans le collant quand tu sors des toilettes. - Quand tu tires la chasse, et soudain l'eau commence à monter. - Quand tu bois avec entrain une canette qui a servi de cendrier toute la soirée. - Cette atroce sensation quand tu poses ton pied nu sur quelque chose de mouillé et froid. - Quand tu tournes pour prendre un raccourci en bagnole et que tu te retrouves derrière le putain de camion-poubelle. - Les 3 centimètres infernaux qui se trouvent juste entre le ticket de péage et le bout de tes doigts tendus au maximum », dit Kitty.
Merle et Vi rirent comme des hyènes à l'évocation de ce problème typique de femme petite.
« Le petit orteil contre le pied de la table », proposa ensuite Vi.
Les deux autres poussèrent un même cri horrifié. Merle renchérit.
« Se réveiller à poil, avec une gueule de bois, à côté d'une gonzesse, et pas se souvenir d'elle. - Faire tomber ton bout de shit sur une moquette marron, répliqua Vi. - Quand t'as foutu du liquide dans une bouteille qui n'a rien à voir, mais bien sûr tu sais plus laquelle, dit à son tour Kitty. - Ouais, surtout si le liquide c'est un truc pas comestible dans une bouteille de vraie boisson, renchérit la blonde. - Houlà, ça sent le vécu. - Du vinaigre blanc dans une bouteille de pinard », admit-elle.
Les deux autres grimacèrent en signe de solidarité.
« Ou alors, reprit la plus jeune, tu fais des confitures ou des bocaux, t'as la flemme de mettre des étiquettes sur le moment, forcément quand tu ouvres le placard six mois plus tard, t'as plus aucune idée de quoi est quoi. - M'en parle pas, bordel, s'exclama Merle. Chaque année, chaque putain d'année ça me l'faisait, avec les gnôles de fruits qu'on s'fabriquait, moi et l'frangin ! »
Ses deux amies rigolèrent.
Vi conduisait sur une petite route qui serpentait à travers la campagne, pas loin de la frontière entre la Virginie-Occidentale et la Pennsylvanie. Merle était sur le siège passager, en position presque totalement allongée, le fauteuil reculé au maximum, les jambes croisées sur le tableau de bord. Kitty était sur la banquette arrière, penchée vers l'avant, le bras appuyé sur le siège de Merle. L'après-midi commençait à tirer vers le soir et ils étaient en train de faire l'inventaire de toutes les choses qu'ils détestaient. Et ils détestaient beaucoup de choses.
« Et les vieux, vous les détestez pas ? reprit Vi. - Les vieux ? Pourquoi les vieux ? s'étonna Merle. - Mais parce que ! s'exclama-t-elle. Ils sont lents, chiants, ils ressassent tout le temps les mêmes conneries et ils bloquent tout le monde partout, dans toutes les putain de files d'attente de ce putain de monde y a toujours au moins un vieux pour casser les couilles ! »
