50. Wisht Hounds

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Bien que dans la fumée et la diabolique horreur d'un combat naval, on puisse voir les requins fixer avec convoitise le pont des navires, – tels des chiens affamés autour de la table sur laquelle on découpe une viande saignante, – prêts à avaler avidement tout homme tué jeté jusqu'à eux, et bien que sur le pont les vaillants bouchers tranchent dans la chair humaine comme des cannibales, avec des lames dorées et parées de glands, les requins, eux aussi, avec leurs mâchoires ornant la garde de leurs poignards se disputent sous la table, taillant dans la chair morte, et bien que vous retourniez ce problème en tous sens, il reste que le résultat est joliment le même, c'est-à-dire que c'est une scandaleuse affaire de requins de part et d'autre.


Il faisait bon dans le monospace Chrysler en cette fin de matinée

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Il faisait bon dans le monospace Chrysler en cette fin de matinée. Dehors, le temps était à la grisaille et au froid mordant, mais dans l'habitacle, le chauffage était poussé assez fort pour que Raj se retrouve en teeshirt. Sa conduite lui ressemblait, c'est à dire qu'elle était calme, douce, toute en souplesse, et ne dépassait pas le quatre-vingt. Il avait rapidement apprivoisé la boite de vitesse manuelle, retrouvant ses anciens réflexes de jeune conducteur.

Il avait affirmé avec une pointe d'orgueil que quand on avait appris à rouler en Inde, on était capable de conduire ensuite n'importe quoi n'importe où. C'était aussi de son pays natal qu'il tenait cette capacité à rester toujours cool au volant. En Inde, on n'arrivait jamais nulle part en s'énervant. Les interminables petites routes de campagne en ligne droite vous apprenaient la persévérance, et les gigantesques bouchons des villes surpeuplées la patience.
Deux qualités qui avaient aussi fait de lui un bon musicien.

Il était d'usage dans sa famille que les enfants pratiquent des activités extra-scolaires sportives ou artistiques, un moyen pour leurs parents d'affirmer publiquement leur réussite sociale et leur capital culturel. Raj avait choisi la musique. Son caractère naturellement studieux lui avait permis d'obtenir une solide formation classique, il maîtrisait le solfège et savait jouer de plusieurs instruments indiens traditionnels, mais son préféré était la guitare sèche qu'il avait commencé à pratiquer à dix-huit ans à son arrivée au Canada. 
Il avait transmis son amour de la musique à Navdeep, qui avait déjà commencé la clarinette quatre ans plus tôt, mais qui, depuis le début de leur exode, faute d'avoir pu l'emporter, s'était mise à la guitare à son tour.
Elle pratiquait l'instrument, ce matin-là, dans la voiture de son père, assise à côté de lui. Raj, tout en conduisant, lui apprenait de nouveaux accords, heureux de cette occasion de partager un moment de complicité avec son enfant. Dans ces moments-là, ils se parlaient toujours en pendjabi, comme pour encore mieux s'isoler du monde qui les entourait.

Concentrée, l'ado plaçait ses doigts contre les cordes, répétant le geste avec application, jusqu'à faire sonner la suite de notes justes. Elle avait le même visage sérieux et serein que Raj pouvait déjà retrouver sur certaines de ses propres photos de jeunesse, et elle portait à nouveau ses cheveux en un chignon bouclé au sommet de son crâne, réplique presque jumelle de celui qu'il portait au même âge. Pourtant, Navdeep n'était pas lui. A la fois transmission et métamorphose, elle accomplissait le mystère de la relation parent-enfant, marchant dans ses pas tout en traçant son propre chemin.

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⏰ Dernière mise à jour : Sep 13, 2022 ⏰

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