Les cernes qui se dessinent, soulignant la clarté ambrée des iris de Lexi, sont une preuve irréfutable du manque de sommeil. On pourrait les voir à des kilomètres, tant elles sont marquées. D'ailleurs, on ne voit probablement que ça. Ça, et les cheveux encore humides, à peine coiffés, qui lui donnent l'air d'avoir sauté du lit, comme si elle s'était réveillée avec plus d'une demi-heure de retard et qu'elle avait dû courir dans tous les sens pour se préparer. La vérité est tout autre, bien qu'elle se gardera évidemment de la conter à qui veut l'entendre : la nuit a été courte, inexistante, pour ainsi dire. Elle a passé quatre heures à tenter de se maîtriser, tout en se laissant aller à ce sentiment galvanisant d'avoir un parfait contrôle de la situation. Quatre heures et pas une minute de repos. Ses muscles sont encore bouillants d'avoir été sollicités aussi longtemps. Et, un avantage de taille se profile puisque les courbatures de son entraînement de la veille ne la dérangent pas le moins du monde. Est-ce que la gélule fonctionne aussi dans ce sens ? Est-ce qu'elle lui permet d'atténuer la douleur ressentie ? Zeck n'a rien précisé, à ce sujet, mais elle pourrait jurer qu'elle est en pleine forme. Si son corps montre des signes de fatigue, son cerveau, lui, est plus qu'opérationnel.
Gork est déjà présente, dans la salle, assise à même le sol, en tailleur, et dos à l'entrée. Lexi hésite à se manifester, mais sa supérieure la repère sans avoir besoin de se retourner et l'invite à approcher. La pièce est vaste, baignée d'une lumière blanche et vive, elle ressemble à la première, celle de la veille, dans laquelle ils étaient arrivés par la plateforme mobile. Mais inutile de monter ou descendre, pour accéder à celle-ci : Zeck l'a simplement conduite à bon port, zigzagant dans les couloirs, et s'arrêtant peu après avoir traversé la passerelle transparente sur laquelle Lexi aurait adoré pouvoir faire une pause. D'autant que le soleil ne s'était pas encore levé, qu'elle était plongée dans l'obscurité, entourée de quelques étoiles encore bien visibles.
À la demande de Gork, Lexi avance jusqu'au centre, où des tapis un peu épais, accolés les uns aux autres, forment une sorte de ring ouvert.
« Tu peux entrer, Ezeckiel », lance le lieutenant en se levant, prenant soin de bien s'étirer, à croire qu'elle-même allait combattre, ce matin. « Les autres ne vont pas tarder à arriver. »
Lexi s'immobilise, le visage momentanément déformé par la surprise, autant parce que Zeck a été repéré aussi facilement, alors qu'il est resté à l'extérieur sans faire le moindre bruit, que par l'affirmation qui a suivi. À peine a-t-elle le temps de se demander de quels autres il est question que Zeck s'approche, jette un « Salut, Sky ! » à la volée et part s'adosser contre un mur, assez loin du ring. Il a pris soin d'envoyer un discret clin d'œil à Lexi, comme pour lui signifier en silence que tout allait bien se passer.
Suivant son mouvement, trois autres personnes entrent. Deux femmes et un homme, tous inconnus. Puis Coma apparaît, aux côtés de l'homme à la peau noire et au regard magnétique qui l'avait interpellée la veille au matin, à l'Embarcadère. Tandis que les trois premiers rejoignent Zeck et se lancent dans une discussion chuchotée, les deux derniers viennent dans leur direction.
Lexi, plantée au milieu du ring, attache son carré bien symétrique en une courte queue de cheval, avant de procéder à une série d'échauffements qui n'ont pour d'autre utilité que de ne pas attirer l'attention. Coma glisse son bras dans le dos de Gork, l'attirant dans une embrassade amicale suspecte, sans que cela ne semble gêner qui que ce soit. Son comparse, lui, se positionne tranquillement devant Lexi et lui décoche un sourire aux antipodes de la figure autoritaire que Lexi a rencontré, si bien qu'elle se demande même si elle ne confond pas. Puis, à son tour, elle a le droit à une accolade amicale de la part de l'inconnu, et même à une une tape sur l'épaule, qui la laissent perplexe. Ses yeux sont probablement aussi vides que ceux d'une poupée de cire, reflétant une incompréhension criarde. Si elle n'avait pas été prise de court par son geste, elle n'aurait jamais permis une telle proximité. Pendant une seconde, elle en vient même à douter de l'efficacité de sa gélule. Les effets se sont-ils déjà amoindris ? Ou a-t-elle trop forcé sur son entraînement de la nuit ?
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Lexi et Coma
RomanceDe prime abord, l'ordre règne sur Hynis. Depuis la création de la colonie, il y a 255 années terriennes, les êtres humains sont maintenus dans cette paix qu'ils chérissent tant. Les informations diffusées aux travers des médias ne sont que messages...