La touche finale. D'un geste souple, clairement habitué, la jeune femme applique un trait de liner noir sur ses deux yeux, la lèvre inférieure savamment prise entre ses dents, comme pour matérialiser la concentration intense que cet exercice semble lui demander. Un sourire satisfait se dessine finalement sur son visage, creusant ces pommettes enfantines qu'elle déteste. Le contraste l'ennuie profondément. Malgré ses vingt-six ans et les efforts qu'elle fait pour ne pas avoir l'air d'une gamine - un maquillage étudié pour souligner sa féminité, des vêtements qui aident en ce sens également, sans être vulgaires pour autant, mais qui ne laissent absolument aucune place au doute - certains traits de son visage la trahissent. Hochant la tête, comme pour approuver son reflet dans le miroir, Lexi retrace le contour de ses lèvres d'un coup de rose pâle.
Elle quitte son appartement, laissé à moitié à l'abandon, en enjambant les vêtements formant de petits monticules sur le sol et les affaires qui traînent ça et là. Malgré le chaos qui s'est emparé des lieux depuis des années, certains objets ont leur place attitrée et ne sont jamais perdus. C'est probablement pour cette raison qu'elle attrape les clés posées sur le meuble à chaussures, sans même y réfléchir. Un coup de brosse dans sa chevelure couleur châtaigne, et Lexi s'échappe sans prendre le temps de regarder une dernière fois dans le miroir près de la porte d'entrée.
La demoiselle dévale les escaliers à ciel ouvert de son immeuble, heureuse de constater que le soleil est au rendez-vous, accompagné de ce petit vent léger, mais frais, qu'elle affectionne tout particulièrement. Elle ne croise personne : au vu de l'heure à laquelle elle est sortie, les habitants sont probablement encore endormis, bien au chaud sous leurs couvertures.
D'une main, elle attrape son téléphone, tandis qu'elle stabilise sa course de l'autre, la laissant glisser sur la rambarde.
« Zeck ? T'es où ? Je te préviens, si tu me dis que t'es coincé dans les bouchons, je te tue. »
Un éclat de rire lui revient dans les oreilles, avant d'entendre son ami d'enfance répondre, sans rancune :
« Ne t'en fais pas, soldat, je suis bien à l'heure. Pas comme certaines... »
Le fait qu'il utilise ce nouveau surnom la fait trépigner intérieurement. Si elle n'avait pas mis de talons et si elle n'était pas en train de descendre l'escalier, elle trépignerait probablement extérieurement, par la même occasion.
« Qu'est-ce que tu racontes ? Je suis sur le parking, je t'attends depuis dix minutes, rétorque Lexi, faussement outrée.
— Mmh, mmh. D'où le souffle court, je suppose ?
— Exercices ! Faudrait pas que j'arrive à la ramasse. Je sais pas ce qu'ils vont nous faire faire, tu comprends.
— Non, bien sûr, raille Zeck, c'est pas comme si je t'avais raconté un petit millier de fois notre session de recrutement. »Elle le sent retenir son rire et secoue la tête, comme s'il pouvait la voir. Zeck avait cette facilité à la faire sourire, sans même qu'il ne s'en rende compte. Comme Hayden, ne peut-elle s'empêcher de penser.
« Hey, arrête ça. C'était il y a une décennie ! Les choses changent, je te signale, fait-elle remarquer, l'air bougon.
— Pas toutes, petite princesse. »La voix de Zeck s'est faite douce, à peine audible, mais elle lui paraît soudain bien plus claire, bien plus proche. Il lui faut une seconde pour réaliser qu'elle vient de derrière elle. D'un même mouvement, Lexi se retourne et regarde l'écran de son téléphone, où le nom de son correspondant ne s'affiche plus. Ce dernier se trouve nonchalamment adossé au muret qui encage les dernières marches de l'escalier.
Il a posé ses yeux sur la demoiselle, comme s'il la voyait pour la première fois. Il a ce regard qui ne trahit pas : cette façon qu'a un homme de regarder une femme. Un peu gênée, Lexi lui offre un petit sourire avant d'attraper le casque qu'il a emmené avec lui. Se faisant, elle le ramène à la réalité et il redevient lui-même ; le Zeck taquin et amical qu'elle connaît depuis si longtemps, avec qui elle a fait ses premiers pas, avec qui elle a bu ses premiers Waves - alors qu'elle était loin d'être en âge de boire de l'alcool et que le cocktail de « jeunes » lui avait même été interdit par Hayden, avec qui elle est allée à plus d'une des soirées dansantes organisées par l'Académie.
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Lexi et Coma
RomanceDe prime abord, l'ordre règne sur Hynis. Depuis la création de la colonie, il y a 255 années terriennes, les êtres humains sont maintenus dans cette paix qu'ils chérissent tant. Les informations diffusées aux travers des médias ne sont que messages...