Chapitre 36

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« Comment tu te sens ? »

La voix rocailleuse de Coma l'accueille hors du sommeil. Rude et douce à la fois, dans un paradoxe qui lui correspond si bien. Lexi en sourit, les yeux mi-clos, alors qu'elle s'accroche à ce son ténu, ce ton subtile qu'il lui réserve.

« Mal », croasse-t-elle, incapable de cacher l'amusement de constater sa propre contradiction quand elle sourit alors qu'elle devrait grimacer.

Mal, certes ; mais bien, aussi, quelque part. Coma ne l'aide pas vraiment à se situer. Un jour oui, un jour non. À la fois attentionné, mais avec une attitude de vrai goujat. Indécis, comme s'il cherchait les ingrédient à incorporer dans une nouvelle recette. Sans trop savoir ce qui ne lui convient pas, sans trop oser changer quoique ce soit... mais en ajoutant tout de même une pincée de ceci ou de cela, pour tester.

Lexi ouvre les yeux, prudemment, une fois que la lumière s'est faite moins agressive derrière ses paupières closes. Elle n'est pas violente, pourtant, remarque-t-elle dès qu'elle parvient à s'asseoir et à s'imprégner de la luminosité de la pièce. Une lueur orangée, pâle et discrète, enveloppe la minuscule chambre. Au-dessus de sa tête, des lattes métalliques révèlent la présence d'un lit qu'elle espère vide. En face du sien, contre le mur également, Coma est assis sur un fin matelas qui rebique à chaque extrémité, sous son poids. Il la fixe intensément, si bien qu'elle fait semblant de ne pas le remarquer et de se concentrer sur la couverture matelassée qui recouvre son corps tout entier. Elle note d'ailleurs que, comme le matelas, elle est bien peu épaisse. Lexi n'a pas froid, pourtant. Seules ses mains un peu crispées, son nez un peu engourdi, et la vapeur qui s'échappe d'entre ses lèvres trahissent le sentiment de chaleur que son corps ressent. Ses joues sont certainement rosées, un ton pour lequel elle n'a jamais eu beaucoup d'affection. Lexi les touche distraitement. Et elle s'attarde sur la combinaison qui recouvre ses bras. Les nuances grises qu'elle revêt lui donne l'impression de se fondre dans l'environnement.

« C'est normal. Le venin de l'ikstrod t'a mise KO.

— Ouais... J'ai connu pire. Au moins, là, je ne suis pas surprise par la douleur...

— Qu'est-ce que tu racontes ? » soupire Coma en changeant de position sur son lit.

Il s'allonge par-dessus l'édredon. Il souffle si fort que Lexi prend conscience de l'épuisement qu'il doit ressentir. Malgré elle, elle note ses traits tendus qui se relâchent soudain, alors qu'il ferme les yeux, l'avant-bras plaqué sur son front. Elle se retrouve à l'observer de longues minutes, dans le calme de la pièce.

« Tu comptes vraiment faire comme si rien ne s'était passé ? »

Les mots lui échappent. Une part d'elle aurait préféré le laisser se reposer. Une part d'elle aurait préféré fuir et ne pas avoir de réponse. Oublier, passer à autre chose. Comme elle l'a souvent fait. Trop souvent. Et, pour une raison étrange, elle n'y parvient pas. Ses mots la hante, la torture. Elle lui en veut de l'avoir traitée ainsi et plus encore devant des membres de son équipage. Mais cette attirance qu'elle ressent pour lui la percute violemment et, même si elle le voudrait, au fond, elle n'arrive pas à passer outre. Elle lui en veut, mais d'une manière presque irrationnelle.

Coma tourne la tête et vrille son regard dans le sien. Elle commence à avoir l'habitude d'y voir poindre l'orage, mais elle ne s'attendait pas à ce qu'il soit si soudain, si brusque, si menaçant.

« C'est l'impression que je te donne ?

— Honnêtement ? Oui. Je ne sais pas sur quel pied danser avec toi. Tu as été odieux. Ton attitude était à vomir. Littéralement. Et, ensuite, quoi ? Tu t'épuises pour m'emmener sur ton dos jusqu'à... jusqu'ici ? »

Lexi et ComaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant