Lexi et Coma

Chapitre 45

La nuit est opaque, l'atmosphère pesante, l'urgence trop présente.

Alors que l'Hyperion se pose, le sable vole de toute part, éclairé par les faisceaux lumineux du vaisseau. Lexi se protège les yeux en enfonçant son visage dans la veste d'Hayden. Son bras sur son épaule la ramène instinctivement un peu plus contre lui. À leur droite, Zeck se prend une déferlante de particules sableuses et râle. Derrière eux, l'équipage tout entier attend. Et deux pas devant, malgré sa déchéance annoncée par haut-parleur à tout l'Aguila, juste avant l'arrivée de l'Hyperion, Coma se tient droit. Personne ne remet sa position en question. Personne n'ose ne serait-ce que mentionner l'annonce.

Le Colonel a pourtant expliqué que les récents événements ont propulsé la mission sur Norvendor vers un dangereux échec, et qu'ils devaient tous quitté la planète au plus vite. Il n'est pas entré dans les détails mais a tout de même précisé que Coma était relevé de ses fonctions, avec une prise d'effet immédiate. Le capitaine en second — un nom que Lexi n'avait entendu jusque-là et qu'elle n'a pas retenu — prendrait les commandes de l'Hyperion. Ce dernier arriverait rapidement pour faire embarquer tout l'équipage de l'Aguila. Le vaisseau, lui, resterait sur place le temps qu'on puisse le rapatrier, plus tard. D'abord les gardes, ensuite le matériel, a-t-il insisté.

La large rampe de l'Hyperion s'étend jusqu'à toucher le sol, baignée dans la lumière vive du vaisseau désormais béant. Cinq silhouettes se trouvent dans l'ouverture et quand Coma grimpe en premier, les quatre hommes et la femme qui l'accueillent portent tous un poing à leur sternum, dans un même geste, avant de s'écarter de son chemin. Coma invite les gardes restés au sol à entrer à leur tour. Tout le monde s'active, se serre sur la plateforme, tandis que la rampe remonte dans un bruit discret, camouflant à peine celui des conversations chuchotées.

On regarde encore Coma avec déférence, les yeux rivés sur lui à la recherche d'une approbation, d'une explication, d'un ordre. Il se racle la gorge, sans se soucier d'être discret. Son visage est creusé mais sa posture droite, fière, renvoie l'image de celui qui est réellement en charge de ce vaisseau. Comme pour confirmer, la femme s'écarte de ses quatre comparses et s'avance vers Coma. Lexi, en première ligne, a tout le loisir de constater la tension qui suinte des membres de l'équipage, de leur silence insupportable. Elle aussi se laisse happer par la nervosité.

« Capitaine, le vaisseau est paré au décollage. Les niveaux sont stables, les boucliers chargés, les réacteurs manquent un peu d'énergie mais nous avons fait au mieux compte tenu du temps que nous avions. La trajectoire est calculée, bien sûr, et nous nous poserons sur Hynis sans encombre malgré cet imprévu.

— Kumari... »

Coma pose une main sur l'épaule de la femme et, soudain, sa fine conception et son jeune âge, sautent aux yeux de Lexi. Elle reste droite, imitant la posture du capitaine qui, lui, s'autorise un soupire.

« Tu n'as plus besoin de me faire ton rapport. »

Kumari, malgré les paroles rassurantes de Coma, se tend. Elle en arrive même à serrer les poings, et sa longue natte noire tombe de son épaule jusqu'à son dos, mais c'est tout ce qui bouge, chez elle. Même son regard reste planté dans celui du capitaine, jusqu'à ce qu'elle déclare :

« Je pense ne pas prendre de risque, Capitaine, si je parle au nom de tous, ici. C'est vous que nous suivons. Et ce dernier vol devrait être le vôtre. »

Lexi n'a pas le temps de réaliser à quel point ces paroles sont alarmantes qu'une voix s'élève, derrière elle, pour approuver. Une deuxième prend la suite, d'autres fendent l'air à leur tour, et, bientôt, tout le vaisseau acquiesce. Une vague de frissons glisse le long du dos de Lexi qui finit par rejoindre le reste de l'équipage dans ses applaudissements. Elle se sent un peu bousculée par les épaules qui se poussent, par le mouvement d'une foule contenue dans un si petit espace, qui n'ose pourtant s'éparpiller avant d'en avoir eu l'autorisation. Mais lorsque Coma se retourne et cherche son regard, elle en oublie les bousculades. Son cœur manque un battement et, comme s'il en riait, le capitaine lui envoie un clin d'œil qui lui en fait rater deux de plus.