L'explosion mélodieuse qui parvient aux oreilles de Lexi est à peine surprenante, quand elle pénètre dans le hall réservé au personnel du Gunpowder. Familière, presque douce. La jeune femme se sent déjà enveloppée dans ce tissu de notes volatiles qui vibrent jusqu'à l'intérieur même de son être.
Sur la droite, de la lumière provient d'une salle ouverte. Un grondement s'en échappe et Lexi rit à ces mots imperceptibles, étouffés par la musique. Elle passe la tête dans l'entrebâillement et accroche le regard du veilleur qui s'est détourné de la rangée d'écrans. Sans entrer, Lexi reste appuyée contre le cadre, un bras élégamment étendu au-dessus de sa tête. Le déhanché suggestif est souligné par sa main libre qui se pose, tout en douceur, sur le bas de sa taille. Elle joue de son apparition scénarisée, un grand sourire étirant ses lèvres charnues peintes d'un rose clair malicieux.
« Ah ! Madame ! »
Leroy couvre vivement son cœur d'une main, exagérant son geste, à tel point que son corps tout entier remue sur sa chaise. Il mime une douleur terrible qui lui aurait enserré la poitrine, à cela près que son sourire ne quitte pas ses lèvres.
« Ne vous présentez pas comme ça devant moi !
— Pardonnez-moi, Monsieur. Je ne voulais pas vous infliger une telle souffrance », s'esclaffe Lexi d'une voix assez forte pour couvrir le son ambiant, tout en effectuant une révérence bâclée.
Le veilleur quitte sa chaise avec la grâce d'un vaisseau gigantesque qu'on aurait du mal à piloter. Du haut de ses deux mètres, Leroy a une carrure dissuasive : de tous les agents privés déployés pour sécuriser le Gunpowder, c'est le seul qui n'ait jamais eu à utiliser sa force pour calmer les ardeurs déplacées de certains clients enivrés. Et pourtant, quand les traits épais de son visage se transforment, son sourire traduit toute sa gentillesse, toute sa douceur.
Il attrape doucement la main de Lexi, paume vers le bas, pour faire mine de déposer ses lèvres sur le revers. A la place, il fait tournoyer la jeune femme, d'un mouvement de poignet. Lexi rit aux éclats, en suivant ses gestes un peu bourrus, tandis qu'elle se contrôle pour ne pas se cogner aux bureaux en verre qui parent la pièce.
« Notre étoile est arrivée, la soirée va pouvoir commencer !
— N'importe quoi, Roy !
— Qu'est-ce que tu crois ? On t'a pas vue de la semaine », dit-il en concluant leur petite danse improvisée, « le chiffre d'affaires a baissé de moitié. Tucker est dans tous ses états. »
Lexi secoue la tête, lui faisant clairement comprendre qu'elle ne gobera pas ses bêtises. Leroy et son don de l'exagération... Et puis, elle n'est pas la star du club, contrairement à ce qu'il veut bien crier à gauche à droite. Mais elle connaît l'aversion qu'il a pour Trisha et cet air hautain, greffé à son visage comme une retouche de chirurgie esthétique ratée. La véritable figure montante du Gunpowder a malheureusement les chevilles bien enflées. Si elle s'attire les compliments et l'argent d'une clientèle régulière, elle récolte également l'inimitié de ses collègues, presque sans exception. Depuis l'arrivée de Lexi, sa bouille enfantine et son déhanché démoniaque – « qui ferait tomber n'importe quel ange du paradis », comme il le répète sans cesse – Leroy prend un malin plaisir à mettre les deux danseuses en compétition. S'il pouvait se promener avec un étendard à l'effigie de Lexi, il ne s'en priverait pas, elle est en certaine.
« Allez, arrête un peu ! réplique-t-elle en riant. Je file, il faut que je voie Tuck.
— Tu verras bien ! »
Comme pour lui faire comprendre qu'elle n'y croit pas deux secondes, Lexi lui envoie un baiser, tout en s'éloignant, le sourire aux lèvres. L'homme retourne à la surveillance de ses écrans, un air amusé peint sur son visage de brute.
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Lexi et Coma
RomanceDe prime abord, l'ordre règne sur Hynis. Depuis la création de la colonie, il y a 255 années terriennes, les êtres humains sont maintenus dans cette paix qu'ils chérissent tant. Les informations diffusées aux travers des médias ne sont que messages...