Cette fois, c'est pour elle que la navette se pose. Le conducteur annonce son prix et le code de la transaction, Lexi s'exécute en le remerciant pour le détour qu'il a effectué. Elle ne revient pas sur son attitude quelque peu agacée, ni sur son manque de professionnalisme, n'ayant pas la tête à chercher des histoires.
Le vent lui fouette le visage quand elle sort du véhicule, ce qui ne la surprend aucunement. Lexi remonte le col de son trench coat et prend soin de fermer les boutons jusqu'en haut, tout en s'écartant pour laisser le champ libre à son taxi dont les feux jaunes annonce qu'il est paré au décollage.
Elle rejoint la voie piétonne, s'éloigne rapidement du centre du parking, l'endroit le plus dangereux du toit, là où les navettes se posent et déchargent leurs passagers. Toutefois, elle reste à bonne distance des barrières de sécurité qui délimitent les bords de l'immeuble. Même si elles sont hautes, Lexi a toujours ressenti un certain malaise à trop s'en approcher.
À près de trois cents mètres du sol, l'espace de stationnement A-05 toise le secteur 0. Autant dire que ces parkings aériens représentent un véritable cauchemar pour les citoyens qui se trouveraient avoir le vertige. Et même pour ceux qui ne sont pas spécialement affectés par ce trouble, ils ne restent en général pas bien longtemps sur les hauteurs.
Lexi emboîte le pas des trois personnes qui se dirigent vers l'ascenseur. Elle se presse un peu lorsqu'elle les voit retenir la porte, s'y engouffre et incline la tête dans un signe de remerciement. Ils descendent les quatre-vingt-deux étages dans un silence respectueux, chacun conscient d'empiéter un peu sur l'espace vital de l'autre, enfermés dans cette cage exiguë. Les yeux se posent sur les nombres qui chutent, l'impatience se fait sentir quand les pieds tapent doucement le tempo d'une musique inaudible. Même les téléphones se gardent bien d'émettre autre son qu'une courte vibration, dans les mains de leur propriétaire.
Quand ils atteignent enfin le rez-de-chaussée, les formules de politesse fusent, mais sans entrain, sans exagération, juste assez fort pour être entendues. Tandis que les regards, eux, suivent le rythme des pas pressés et fuient en direction de la sortie.
Lexi se laisse porter par les corps en mouvement, profitant de se perdre dans la masse de badauds pour s'autoriser un moment de répit, s'obligeant à lâcher prise et à mettre le stress de côté. Elle n'a jamais été très douée pour analyser ses propres sentiments, mais, pour cette fois, la douleur qui lui vrille l'estomac ne laisse place à aucun doute. Et ces images qui lui reviennent, ces sourires sincères et ces corps déchiquetés... Elle inspire une bouffée d'air et se laisse entraîner dans l'Avenue des Arbres : là où tout le monde semble aller.
Chaque année, la semaine du Renouveau attire tous les citoyens d'Hynis le long de l'avenue. Les festivités sont telles que personne ne se prive de cette bonne humeur ambiante. Les étals, déjà montés depuis le matin, regorgent de couleurs chatoyantes et d'odeurs délicieuses ; les passants s'y promènent aussi bien la journée qu'à la tombée de la nuit. C'est l'occasion de profiter de sortir en toute légalité puisque, de manière exceptionnelle, le couvre-feu n'existe plus, pendant ce temps précieux. La nuit venue, la musique se mêle aux tons luminescents des néons, qu'on a enfin l'occasion d'observer autrement que depuis la fenêtre de sa chambre. Bien sûr, pour les gens comme Lexi, qui contournent les règles toute l'année – que ce soit de manière légitime ou non – cela ne fait pas une grande différence. Mais d'habitude, dans les rues, la nuit est synonyme de calme plat.
Pas cette semaine.
Seule cette solitude tangible pourrait être à déplorer, pour peu qu'elle puisse gêner Lexi. Il va sans dire que la présence des deux hommes de sa vie lui manque toujours, en ces temps de fête. Il lui est même arrivé de la combler en sortant avec les filles du club, au détour d'une invitation à la fin de leur nuit de travail. Elle s'était faite à l'idée, toutefois : les festivités étaient synonymes de réjouissances pour certains quand, pour d'autres, cela signifiait seulement redoubler de travail. Bientôt, elle pourrait patrouiller avec eux et peut-être qu'alors ces concepts antinomiques se mélangeraient et ne feraient plus qu'un.
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Lexi et Coma
RomanceDe prime abord, l'ordre règne sur Hynis. Depuis la création de la colonie, il y a 255 années terriennes, les êtres humains sont maintenus dans cette paix qu'ils chérissent tant. Les informations diffusées aux travers des médias ne sont que messages...