Lexi et Coma

Chapitre 28 (2/2)

Il s'éloigne, même, jusqu'à un véhicule en particulier que Lexi a déjà eu l'occasion de voir. La FX-01 est stationnée parmi d'autres navettes et, de toutes celles présentes, c'est sans aucun doute elle qui détonne le plus. Elle casse le côté monotone des véhicules de la Garde, avec ses lignes épurées et son alliage étincelant. On sent qu'elle est choyée, son entretien ne trompe pas. Elle est impeccable aussi bien à l'extérieur, où aucune rayure ne se voit, qu'à l'intérieur, où le cuir est aussi reluisant que le reste.

Lexi l'interroge du regard.

« Toutes mes recrues savent piloter, répond-il simplement. Tu as raté les premières leçons, je te fais rattraper. »

Elle croise les bras sur sa poitrine, un sourcil haussé et un sourire amusé au coin des lèvres.

« Et tu proposes à toutes tes recrues des leçons dans ton véhicule personnel ? »

Un petit rire, discret, de la part du capitaine. La réponse semble assez claire. Il appose sa main contre la carrosserie et la porte s'ouvre pour lui, sans un bruit, restant suspendue en haut du véhicule le temps qu'ils prennent place. Les lumières intérieures s'allument, comme une invitation supplémentaire.

« Seulement aux meilleures », déclare enfin Coma, tout en s'installant sur le siège arrière.
Lexi ne prend pas la peine de cacher son doute, trop consciente qu'il se moque d'elle. Elle reste plantée devant la navette et secoue la tête.

« Je suis sûre que tu as des programmes de simulation beaucoup plus accessibles. Je n'ai jamais conduit de véhicules volants.
— Pourtant, il me semble que tu es plutôt à l'aise, dans les airs...
— Il y a une petite différence de hauteur, quand même, quand je suis rattachée à ma corde, râle Lexi en lui faisant les gros yeux.
— Fais-moi confiance. »

Il n'en dit pas plus et, effectivement, si tout pouvait être aussi simple... S'il ne pouvait s'agir que d'une question de confiance. Une part d'elle a envie de ne pas le décevoir. Mais l'autre prend le pas et elle refuse encore.

« Sans façon.
— C'est un excellent exercice pour faire remonter tes statistiques.
— Tu n'as vraiment que ça à la bouche, siffle-t-elle.
— Ça et... C'est un ordre, recrue. »

Ah, ça aussi, en effet. Coma désigne le siège avant, d'un hochement de tête. Lexi finit par abdiquer : elle a déjà testé la patience du capitaine face à un ordre refusé et elle ne tient pas à recommencer. S'il y a bien une chose dont elle n'a pas besoin, c'est d'une journée enfermée, seule avec ses démons.
Elle se hisse à l'intérieur, sur la place du conducteur, cette fois sans avoir la pression d'un Coma se vidant de son sang à côté d'elle. L'espace est d'ailleurs plus large et plus confortable, quand on n'a pas besoin de le partager. Une ribambelle de commandes défilent sous son regard inquiet : des manettes, mais surtout des boutons aux sigles obscurs, entourés de différentes lumières (bleues, vertes, oranges, jaunes, et rouges pour trois d'entre-eux). Il aurait peut-être été judicieux d'apprendre la théorie, avant de penser l'embarquer dans une telle aventure, parce qu'elle se sent perdue. Elle s'en sortirait mieux si on la lâchait sur une planète inexplorée, aucun doute là-dessus.

« Tu en fais ce que tu veux, Capitaine, mais j'ai vraiment un mauvais pressentiment.
— Tu t'inquiètes pour rien, le code aérien n'est même pas aussi compliqué que le code de la route. »

Lexi se retourne et le foudroie du regard.

« Justement, ça aurait été intéressant de commencer par cette question, monsieur 'C'est un ordre', parce que mon permis date d'il y a six ans et je n'ai pas touché à un véhicule depuis. »

Interdit, il la scrute, tandis que les portes coulissent et se verrouillent. Il cherche peut-être à savoir si elle se moque de lui. Quelque part, c'est compréhensible : le permis est obligatoire pour pouvoir prétendre à l'examen d'entrée dans la Garde, et ils ne s'attendent sans doute pas à ce que les candidats n'aient jamais conduit après l'obtention de leur titre. Aucun détail n'est demandé, toutefois, quant à la régularité de leur conduite et Lexi n'a donc jamais eu à le préciser. Elle reste la plus sérieuse du monde, soutenant son regard comme si elle attendait une remarque déplacée. Coma se laisse seulement aller en arrière et toussote.