Chapitre 3

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Au bout de l'allée mal définie, pavée d'un mélange de terre battue et de gravier, entourée des deux bâtiments imposants, Zeck attend, le téléphone à l'oreille. Un pincement au creux du ventre lui rappelle les événements qu'elle aurait préféré oublier et qu'elle est même encore incapable de nommer. Son cerveau se joue d'elle et lui faire retrouver, bon gré mal gré, la sensation des lèvres masculines enveloppant les siennes. Elle s'arrête aussitôt, bloquée par ces pensées qu'elle tente désespérément de chasser. Il a admis qu'il est allé trop loin, se rassure-t-elle sans un mot, inutile de revenir là-dessus. Lexi essaie de se convaincre qu'elle va pouvoir le regarder, comme si de rien n'était. Il lui faut quelques secondes, mais elle parvient à retrouver une certaine composition.

Affichant un air sûr d'elle et un sourire factice aux accents d'indifférence, la brunette se force à avancer. Elle n'a ni envie de revenir sur leur baiser, ni sur son humiliation, à peine les premiers instants de sa nouvelle vie de soldat entamés. Zeck gesticule, fait les cent pas, alternant les directions : en avant, en arrière, en avant... Il ne prête pas attention à la foule qui passe à ses côtés, encore moins aux regards intéressés de deux jeunettes d'un peu plus d'une vingtaine d'années. Elles parlent, rient, et passent rapidement à ses côtés, le frôlant presque, sans prendre la peine de cacher leur curiosité excessive, ni leurs œillade aguicheuses.

Lexi doit se retenir de renâcler. Elle a horreur de ce genre de groupies inintelligentes. Zeck mérite mieux qu'une nunuche de passage qui glousse à la moindre occasion. Et comme pour lui donner raison, il ne prête absolument aucune attention au bruit que font les deux gamines. Elles sont bientôt hors de vue, loin derrière les barrières en treillis qui encadrent très largement les hangars, mais leurs rires semblent stagner dans l'atmosphère.

« Eh ! Bravo pour tout à l'heure. »

Une voix féminine la fait sursauter, tandis que la recrue se retourne et tombe nez à nez avec des taches de rousseurs et une tignasse auburn, sagement rangée dans un chignon haut. Il lui faut quelques longues secondes pour reconnaître la jeune femme. Ce ne sont pas ses yeux émeraude qu'elle a identifiés, mais le sourire qu'elle lui offre et qui lui semble, comme la première fois, plutôt amical. Elle revoit la rouquine, un peu plus tôt, assise entre deux « camarades », lui faire ce même sourire encourageant.

Sa remarque n'a rien de suffisant, elle est emprunte de ce qui ressemble réellement à de la sincérité. Mais, peu habituée à faire des politesses, Lexi hésite.

« Hum. Merci ? tente-elle, finalement.

— Je m'appelle Grace, lance la jolie jeune femme en riant, et je suis ta plus grande fan ! »

Lexi peine à cacher son incompréhension et Grace se sent probablement obligée d'ajouter :

« Tu as été géniale ! Je suis sûre que Coma s'attendait à ce que tu te dégonfles. C'est connu, il déteste que des femmes puissent tenter leur chance dans la Garde. Il paraît que, chaque année, il décourage un nombre considérable de recrues. Hommes et femmes, d'ailleurs... J'ai même entendu dire qu'il avait fait fuir pratiquement toute une session, il y a deux ans ! »

Perplexe, Lexi se laisse absorber par le discours passionné de Grace, qui s'est vite mise à ponctuer ses phrases de grands gestes. Expressive mais gracieuse. Elle porte bien son nom.

« Je crois que c'est un peu exagéré », conclut prudemment Lexi, en essayant d'esquisser quelques pas pour rejoindre Zeck et se détacher de cette inconnue qui la met mal à l'aise.

Grace ne se laisse pas distancer pour autant. Elle lui emboîte le pas avec entrain, remettant la bretelle de son sac à dos sur le haut de son épaule.

Lexi et ComaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant