Chapitre 44

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Une dernière fois, Lexi jette un coup d'œil à la pièce qu'ils sont sur le point de quitter, comme si elle avait peur d'y oublier quelque chose. La flaque de liquide noir, au bas du générateur brisé, ne reflète plus seulement les mille étoiles qui le composent ; un néon grésillant s'y réverbère par intermittence. Plus rien ne semble fonctionnel, ici, et ce n'est que maintenant que Lexi s'en rend compte. Le passage du Thelian a été plus dévastateur qu'on aurait pu le croire. Le vaisseau n'avait probablement pas besoin de ça, à l'heure actuelle.

Elle était venue pour aider son frère, pour réparer l'Aguila, pour leur permettre de rejoindre Hynis rapidement. Au lieu de quoi, elle n'a fait qu'empirer la situation.

Les couloirs ne défilent pas bien longtemps, avant qu'elle ne suive Coma à l'intérieur d'une cabine. Aussitôt l'ont-ils passée que la porte se referme derrière eux.

La pièce est tout à fait modeste, similaire à celle que Lexi s'est brièvement vue attribuée. Peu spacieuse, flanquée de ces murs froids, décorée d'un pauvre lit inconfortable, sans le moindre mobilier en dehors de ce dernier, la cabine ne ressemble même pas à une chambre. Mais il ne fait aucun doute que c'est celle que Coma occupe, car il se dirige déjà vers un petit caisson, posé derrière le lit. Il s'agenouille devant l'objet, et lui permet de scanner sa rétine, afin qu'il se déverrouille. Le capitaine le fouille à grand renfort de gestes hâtifs, clairement à la recherche d'un effet personnel. Il y navigue comme si tout lui appartenait, là-dedans. Ce qui ne manque pas de la surprendre : ils ont fait le trajet ensemble depuis la Base A, et il n'avait rien d'autre sur lui que sa combinaison et un foulard sur la tête.

Coma revient sur ses pas pour s'asseoir sur le lit. Ses quatre pieds, trop fins, trop instables, ploient sous son poids. Et quand le capitaine fait signe à Lexi de le rejoindre, elle s'avance jusqu'à lui mais se garde bien de prendre place à ses côtés. Elle n'est pas sûre que les fines lattes supporteraient leurs poids conjoints.

Il tient dans sa main un petit objet qui accapare toute son attention. Coma l'observe comme s'il le découvrait pour la première fois et Lexi ne peut s'empêcher de relever qu'ils ont tous deux le même air perdu devant cette création inconnue. Sa forme ronde, légèrement aplatie, lui permet de rester sans bouger dans le creux de la main du capitaine, qu'elle ne remplit même pas tant elle est petite. On croirait d'abord à une pièce de rechange pour un quelconque matériel technologique, sa couleur anthracite prêtant à confusion. Mais, en y regardant de plus près, Lexi remarque que le dessus de l'objet, un peu bombé, est bien trop travaillé pour n'être qu'une vulgaire pièce. En son centre, un enchevêtrement de minuscules rouages prend place. Sa couleur dorée attire tout de suite l'attention et son étrange fonctionnement la retient. Deux aiguilles, immobiles, pointent chacune sur une des lettres qui bordent les rouages, comme pour les maintenir dans un cercle bien fermé. Et, tout autour de l'objet, une dernière bordure semble faire office de finition. De délicats ornements, aux courbes tantôt gracieuses, tantôt se terminant par une pointe élégante, enveloppent cette dernière. Une série de lettres isolées se suivent, formant elle-mêmes un cercle à l'intérieur des bordures. Elles ne font aucun sens mais elles agrémentent joliment l'objet.

« Ça s'appelle une montre à gousset, explique Coma tout en caressant les ornements du pouce. Avant que les terriens n'aient à quitter leur planète, c'était déjà un objet désuet. Mais ces antiquités ont un charme tout particulier, tu ne trouves pas ? »

L'attrait pour l'ancien n'a jamais été vivace, chez Lexi. Pas plus que ne l'est celui pour la technologie. Elle vit au présent, sans trop se soucier ni de ce qui a été, ni de ce qui sera et, pour tout avouer, elle trouve cela déjà assez compliqué.

« Et ça servait à quoi ? demande-t-elle tout de même.

— À lire l'heure, tout simplement. Il suffisait de penser à remonter la petite mollette, ici, de manière régulière pour qu'elle continue de fonctionner », dit-il en désignant le haut de l'objet.

Lexi et ComaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant