Chapitre 5

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Cinq secondes.

Le temps pour son cœur de manquer un battement et pour son estomac d'effectuer un salto spontané. Lexi reprend ses esprits le plus rapidement possible, consciente qu'à cette hauteur, la moindre erreur peut lui coûter cher. Mais elle a beau essayer de retrouver sa concentration, elle n'y parvient qu'à moitié.

Que fait-il ici ? Pourquoi ce soir, précisément ? Elle n'a pas décelé la moindre surprise sur son visage, quand leurs yeux se sont croisés. Comme s'il savait parfaitement qu'elle se produirait ce soir. Faisait-il partie des clients réguliers qui auraient reçu la notification de Tucker (pour peu qu'il en ait vraiment envoyé une) ? Certes, elle ne les connaît pas tous, mais elle est persuadée, pourtant, de ne jamais l'avoir vu au Gunpowder auparavant.

Deux jetés de jambe et une double vrille plus tard, la jeune femme se pose au sol, au moment où la musique s'arrête. Son torse se soulève brusquement, à mesure qu'elle essaie de maîtriser sa respiration et de calmer son cœur déchaîné. Un tonnerre d'applaudissements retentit, d'un seul coup, après un silence choqué. Et, petit à petit, les silhouettes assises se lèvent, dans un hurlement presque dément. Tandis que retentissent déjà les cliquetis d'approbations, un écran se matérialise derrière Lexi et affiche des chiffres aléatoires à une vitesse folle. Dix. Dix. Vingt. Trente. Cinquante. Cinquante. Cinquante. Les pourboires affluent et plus ils grimpent, plus cela semble encourager les spectateurs à montrer leur satisfaction.

Lexi écarquille les yeux. Elle n'en croit pas ses oreilles ! Son show n'a pas été modifié depuis quelques mois. Pourtant, la foule se comporte comme si elle le voyait pour la première fois.

Ou la dernière.

La danseuse leur envoie des baisers, un immense sourire aux lèvres. Elle enchaîne les courbettes, veillant à saluer de tous les côtés. Quand, enfin, le bruit des pourboires dématérialisés commence à s'estomper, Tucker entre en scène. Il attrape la main de Lexi, alors qu'il arrive à sa hauteur, lui embrasse le front, avant de la guider d'un geste vers l'arrière. Elle en profite pour saluer une dernière fois son public, puis elle disparaît.

Un air triste dévale les traits de son visage, tandis que la jeune femme laisse courir ses doigts sur l'inscription noire en relief qui identifie la porte de sa loge. « Starfire » serait bientôt remplacée. Elle déglutit péniblement, se rappelant qu'elle avait choisi son avenir, qu'elle avait fait tout son possible pour entrer dans la Garde. Pour retrouver Hayden et le rendre fier. Mais les mots du gérant du club dansent encore dans son esprit.

Ici, elle est chez elle.

Et pourtant, ici se termine ce chapitre. Il est temps d'avancer, désormais.

Elle pousse la porte, prête à retrouver son cocon. Les murs bordeaux dans la prolongation de ceux du couloir, le grand miroir entouré de dorures, l'éclairage savamment pensé pour diffuser une lumière douce, le beau lit rond au fond de la pièce et ses oreillers moelleux qui l'ont accueillie plus d'une fois. Tout est toujours si bien rangé, parfaitement entretenu. A côté du couchage somptueux, un dressing de taille modeste regroupe ses tenues de scène aux design aussi variés qu'osés, toutes créées dans les mêmes tons, orangés, rouges et noirs.

Lexi verrouille sa loge et se tortille pour essayer d'attraper la glissière dans le haut de son dos, parfaitement invisible, qui garde son juste-au-corps fermé. Elle peste, se balance d'un pied sur l'autre en grognant sur ce système aussi innovant que pensé pour les pervers fétichistes. Ceux qui refusent de voir une femme dans autre chose qu'une tenue de danse sexy et inventent des méthodes sournoises pour les empêcher de s'en défaire. Ils doivent forcément exister !

« Besoin d'un coup de main ? »

Plusieurs émotions entrent en conflit, à l'entente de cette voix masculine s'étant élevée derrière elle. A qui qu'elle appartienne, elle n'a clairement rien à faire dans sa loge. Elle pense d'abord à la visite de Tucker, mais rejette bien vite cette hypothèse, comme le gérant est encore sur scène. Elle imagine ensuite qu'on s'en est pris à Leroy, derrière ses écrans. Il est impensable qu'il n'ait pas vu l'intrus se glisser dans la chambre de Lexi. Le hall des filles est particulièrement surveillé. D'ailleurs, comment a-t-il seulement pu éviter les deux veilleurs qui poireautent toute la soirée devant les portes battantes menant aux quartiers privés des demoiselles ?

Lexi et ComaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant