Chapitre 9

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Les convulsions s'arrêtent progressivement, s'éloignant les unes des autres jusqu'à ce que le corps de la demoiselle ne se tortille plus que de manière ponctuelle. Pendant ce qui semble une éternité, Lexi reste étendue sur le sol froid, l'esprit aussi ankylosé que le reste de ses membres. Elle n'ose bouger, de peur que ses muscles se contractent à nouveau, que la douleur ne revienne. Sa joue repose sur le bitume rugueux, son coeur cogne fort, chaque battement explose à ses oreilles dans le silence pesant. Ils couvrent les bruits de pas qui approchent, à tel point que la recrue esquisse un minuscule sursaut - sans doute incapable de plus - quand deux bottes apparaissent dans son champ de vision. Elles s'arrêtent juste sous son nez et Lexi ferme les yeux, comme si ne rien voir atténuerait la douleur du coup de pied qu'elle s'attend à recevoir, pour l'achever. Mais rien ne vient.

Deux mains la saisissent de part et d'autre de son corps, glissées sous ses aisselles, pour la soulever sans ménagement. Elle ressemble à une poupée de chiffon, à un pantin désarticulé. Ses jambes ne supportent plus son poids, sa tête vacille alors même qu'elle fait son possible pour la tenir droite. Un grognement guttural lui parvient, puis elle croit discerner ces paroles mâchonnées :

« Putain, faut toujours que ça tombe sur moi. »

L'homme la décolle du sol, mais Lexi le sent à peine. Elle se retrouve plaquée contre ce torse, les jambes et les bras pendant mollement dans le vide. Son corps ne répond plus à aucune demande de son cerveau. Elle essaie pourtant. Nombre de fois, sans succès. D'ailleurs, le doute se fait sur toutes sensations : plus de douleur, plus de froid, plus de chaleur. Plus rien d'autre que l'épuisement qu'elle caresse doucement du bout des doigts. Sa tête bascule d'avant en arrière, puis un geste, un peu bourru, l'aide à la stabiliser. Et elle reste là, le front collé à un pectoral, la nuque reposant contre un biceps tendu qui l'empêche de brinquebaler dans tous les sens.

C'est la dernière chose dont elle se souvient avant que le noir ne l'engloutisse.

***

« ... Pas rester sans rien faire ...

— On lui ... quand ... parmi nous.

— ... le temps pour ça !

— Tais-toi, deux minutes, je crois qu'elle se réveille. »

Lexi ouvre les yeux mais reste plongée dans une certaine obscurité. Son crâne lui semble pris dans un étau : une douleur affreuse l'enserre. Ses muscles sont engourdis, sa bouche pâteuse. Elle tente un mouvement, mais se ravise aussi sec. Immobile, la recrue parvient à identifier qu'elle est allongée sur quelque chose de moelleux, qu'elle n'a pas froid, et qu'elle sent ses doigts en essayant de les remuer doucement.

« Tu fais partie de la Garde ? »

L'extrémité d'une natte frôle le visage de Lexi, tandis qu'une jeune femme se penche au-dessus d'elle, la menaçant d'un regard inquisiteur. L'inconnue ne sourit pas, son nez légèrement en trompette détrompe toutefois cet air sérieux qu'elle cherche à se donner. D'un seul coup, l'inconnue est ramenée en arrière et une voix masculine la rabroue :

« Calme-toi. Si ce n'est pas le cas, tu vas juste lui faire peur pour rien.

— T'es qu'un crétin borné, Nox. Quand ses petits copains vont débarquer pour nous faire la peau, t'auras tout gagné.

— T'es pénible, sérieux. Laisse la petite se réveiller tranquillement. Si elle n'était pas seule, on serait déjà envahis de gardiens. Surtout avec ces derniers brouilleurs foireux qu'on nous a refilé...

— La ferme. Arrête de lui raconter toute notre vie, putain », crache la jeune femme.

Lexi se redresse, lentement, tout en profitant de leur dispute pour faire tourner son cerveau à dix mille kilomètres heures. Elle discerne l'habitacle d'un véhicule, autour d'elle, notant qu'elle se trouve sur la banquette arrière, là où les deux silhouettes sont à l'avant. L'engin n'est pas en mouvement. Ah. Trois silhouettes. Une autre, silencieuse, vient de remuer côté passager. Le type à la place du conducteur se retourne et l'observe, avant de demander :

Lexi et ComaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant