Chapitre 43

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« Est-ce que tu vas bien ? »

Coma brise le silence qui s'est abattu sur la pièce dévastée. Le mot est faible. Lexi, abasourdie, observe les dégâts qu'elle a indirectement occasionnés. Les ordinateurs ont été réduits en charpies, les écrans physiques ne tiennent même plus droit tandis que l'image de leurs cousins holographiques tressaute, illisible. Le sol est envahi d'outils, de câbles arrachés, de fioles dont le contenu a été déversé partout dans la pièce. Au même titre que le liquide noir pailleté, agrémenté de petits morceaux de verre, dans lequel Lexi patauge. Par le trou laissé dans le pan de mur, l'air s'engouffre. Le froid la tétanise. À moins que ce ne soit la conscience d'avoir provoqué d'irréparables dommages.

Tout en douceur, Coma la fait pivoter. Il l'analyse du regard, sans doute à la recherche d'une blessure. Son regard s'arrête sur la trace encore sensible laissée par le Thelian, sous l'œil de Lexi. Son pouce glisse à peine sur l'arc de cercle rosé, mais c'est suffisant pour la faire tressaillir.

« Il t'a brûlée, je crois. »

Lexi ricane, plus sèchement qu'elle ne l'avait prévu. C'est bien malgré elle qu'elle paraît si froide, car le son s'est échappé avant qu'elle n'ait pu le contrôler.

« L'endroit est mis à sac, il aurait pu te briser la nuque en un claquement de doigts et tu t'inquiètes pour une ridicule brûlure ? »

Ses paroles ont l'effet d'une douche froide : Coma s'immobilise. Lexi cache ses poings tremblants derrière son dos, tandis que le capitaine prend conscience de l'ampleur des dégâts. À son tour, le silence le gagne. Le son de sa voix se trouve vite remplacé par les hurlements du vent, qui s'engouffre et pousse les débris sur le sol. Le capitaine n'a pas besoin d'en dire plus, elle comprend à son air grave qu'elle va amèrement regretter les événements de ce soir. Habituellement, Coma ne laisse rien paraître. Mais, en ce moment, la situation semble lui échapper, à lui aussi.

« Je ne pouvais pas le laisser là », se justifie Lexi en insistant sur cette sensation de n'avoir aucun autre recours.

Et, même si ça n'atténuerait sans doute pas les sanctions qui seraient prises à son encontre, elle ne ment pas. Quelque part, laisser le Thelian livré à lui-même aurait été comme étouffer une part d'elle-même, à mains nues. Elle sait, au fond d'elle, ce qui le guettait. Une mort certaine. Si elle n'avait pas agi, pour lui, pour ses convictions, pour faire entendre sa voix, elle n'aurait plus été qu'un ersatz d'elle-même. À quoi bon vouloir sauver des vies humaines pour en laisser mourir d'autres injustement ?

« Tu as fais ton choix », réplique Coma, le visage fermé.

Son reproche est palpable sous le ton glacial qu'il emploie à son tour. Le vent nocturne de Norvendor est doux, en comparaison.

« Je n'avais pas le choix ! »

Il vrille sur elle ses prunelles orageuses, laissant s'abattre une tempête de blâmes, pourtant silencieux, qui la heurtent aussi violemment que s'il les avait prononcés à voix haute.

« On a toujours le choix, Lexi. »

Ses yeux s'emplissent de larmes. Elle les détourne rapidement. Les dents serrées, les bras croisés contre sa poitrine, Lexi refuse de continuer ce débat stérile. Il ne comprendrait pas, même si elle réunissait tous les arguments possibles, ce dont elle est de toute manière dépourvue.

Coma s'éloigne sans un regard supplémentaire pour s'approcher du trou dans la carlingue. À l'extérieur, le calme est revenu depuis le départ du Thelian. Il semblerait que l'assaut qu'ils ont subi se soit terminé en même temps que les souffrances de la créature. L'encre de la nuit s'est si rapidement propagée qu'elle recouvre désormais l'entièreté du ciel. L'étendue de sable, sous elle, s'est parée de tons sombres, moroses, comme pour jouer de visuels dramatiques sur une scène déjà désastreuse.

Lexi et ComaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant