Chapitre 32 (2/2)

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Le voile qui danse devant ses yeux se disperse, lentement. Il laisse place à la lumière vive, blanche, d'une pièce calme dans laquelle Lexi se croit seule. Il ne lui faut pas longtemps pour reconnecter les morceaux : l'alliage gris sombre des murs, du plafond, les néons bleus à peine visibles dans l'éclairage ambiant mais qui seront d'une utilité indéniable en cas de coupure de courant... Elle s'assoit sur le lit, porte une main à son crâne, qui lui donne l'impression d'être dans un fichu étau. Est-ce qu'elle se serait cognée ?

« Ravi de vous avoir parmi nous, Cadet Walberg. Vous vous êtes cogné la tête, mais l'hématome est minuscule. Le mal de crâne que vous ressentez va se résorber d'ici quelques minutes, il n'est pas dû au choc. C'est un classique des premiers vols, ne vous en faites pas. Heureusement que Z a repéré votre signature sur le réseau, où vous seriez restée coincée dans le noir encore un bon moment. »

Un homme entre dans la pièce et s'approche d'elle, une tablette à la main. Elle remarque ses yeux étranges qu'elle a eu l'occasion d'appréhender une fois par le passé. Maintenant qu'elle sait à quoi ils servent, elle ne peut empêcher une certaine gêne de s'installer, consciente qu'il peut voir au travers d'elle s'il le souhaite. L'homme est vêtu de blanc et d'argent, un uniforme qui laisse supposer dans quelle équipe il est affecté. Ses traits sont durs, sa mâchoire anguleuse, et, malgré sa peau sombre, les balafres qui strient son visage sont bien visibles. Elles lui donnent une apparence hargneuse. Mais sa voix reflète une gentillesse telle que, même lorsqu'il a appuyé sur le grade de Lexi, ça ne ressemblait pas plus à un reproche qu'à une remarque amusée.

« Je suis l'officier Jessen, responsable de l'équipe médicale à bord de l'Hyperion. Et si j'en crois la réaction du capitaine en apprenant que vous vous êtes évanouie, vous êtes un cadet très téméraire », dit-il, un sourire au bord des lèvres.

Lexi se fige alors que le médecin tapote sur sa tablette, avant de la poser sur le bord du lit. Elle y jette bien un coup d'oeil mais l'écran noir ne lui en dit pas plus. Dans une grimace qui n'a rien à voir avec la douleur — d'ailleurs, il a raison, son mal de tête commence déjà à diminuer —, Lexi lève les yeux.

« Vous avez prévenu le capitaine...

— Évidemment », s'offusque-t-il en lui lançant un regard tel qu'il questionne silencieusement son état mental.

Il précise, ensuite :

« Les cadets n'ont rien à faire dans l'espace. Et, en général, ils ont la présence d'esprit de ne pas embarquer clandestinement. Ça vous arrive souvent de bafouer l'autorité de vos supérieurs ? »

Le médecin émet un rire à peine audible, la tête légèrement penchée sur le côté, en analysant Lexi du regard. Regard qu'elle est incapable de soutenir, alors qu'elle devient cramoisie. Elle aurait pu nier mais à quoi bon ? Elle est certaine qu'il a déjà lu l'ensemble de ses exploits, de toute manière. Et puis, elle réalise qu'elle n'a pas à rougir de vouloir faire ce qui lui paraît juste. Encore moins quand la Garde fait la justice comme elle l'entend, au détriment de la vie des uns et des autres. Lexi se redresse, pas plus pour se donner contenance que pour asseoir ses propos, comme si elle avait encore besoin de s'en convaincre :

« Ça m'arrive quand ma famille est concernée.

— J'ai cru comprendre, lance-t-il en souriant. Il est trop tard pour faire marche arrière, de toute façon. »

Elle n'aurait pu le jurer, mais il lui semble que ses paroles tiennent un double sens. Cette hypothèse se confirme quand la porte s'ouvre sur Coma. Il se découpe franchement dans la clarté de la pièce : sa combinaison revêt les couleurs d'un ciel nocturne, à l'air plus sombre encore qu'il y a quelques heures. Sa stature en est aussitôt décuplée et là où devrait se tenir son mentor, son chef d'équipe, Lexi ne peut s'empêcher d'y voir un tout autre homme. Un capitaine. Celui qui guide ses troupes avec la poigne d'un dirigeant bienveillant, toujours le premier à s'impliquer, à prendre sur lui les fautes et les reproches. Elle ne l'a pas encore vu à l'œuvre, concrètement, mais c'est ce qui se dégage de cette aura impressionnante. Son titre prend soudain tout son sens. Ce vaisseau, c'est son univers.

Lexi et ComaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant