En pleine journée, les allées sont peuplées de gens. Les enfants jouent dans les rues : des cris de joie se perdent alors que les gamins se coursent par groupes de six ou huit, se passant la balle pour l'emmener d'un bout à l'autre de la rue. Perchés sur leurs flyboards, ils filent dans les airs en évitant les passants qui leur râlent dessus, profitant de la hauteur pour faire leurs passes au-dessus de la tête des gens. Et ils rient, c'est peut-être ce qui interpelle le plus Lexi.
Le Secteur Zéro est celui qui est dit représenter le mieux Hynis : il est son cœur. Beau, brillant, réputé... parfait, en un sens. Mais, adossée contre une façade un peu décrépie, Lexi ne peut s'empêcher de remarquer à quel point ces rires manquent, au centre de la cité. Ils ont laissé la place à des élèves bien sous tous rapports, qui se baladent sagement le long de la promenade des étoiles, qui rentrent chez eux tout de suite après les cours et qui, quand ils rejoignent des amis à l'extérieur, prennent toujours soin de ne pas faire d'histoires, de rester discrets, de respecter les règles. À tel point qu'ils en oublient de vivre pour eux. Lexi aussi a été éduquée ainsi. Même si le manque d'amis n'a simplement pas pu lui faire prendre conscience de ce qu'était vraiment une vie d'enfant. Ici, dans les rues banales du Secteur Quatre dont on se méfie, elle a l'impression d'être confrontée aux poumons d'Hynis.
Ce sont eux qui respirent la vie.
« J'effacerais ce sourire, si j'étais toi », râle Coma en revenant de sa ronde.
Il se place à ses côtés, droit comme un piquet et tout aussi détendu.
« On pourrait te prendre pour une cible facile. »
Mais l'euphorie des plus jeunes la ratrappe, elle en oublie presque l'entraînement, incapable de détourner les yeux de la scène. Elle s'imprègne de tout ce qu'elle peut. Des couleurs ocres et jaunes des bâtiments, ni trop vieux, ni trop récents ; des badauds qui profitent de leur journée, de ces autres qui reviennent les bras chargés de courses, et des plus petits qui suivent en trottinant, émerveillés par les joueurs éphémères qui improvisent une passe, puis les enjoignent à renvoyer la balle à leur tour.
« On dirait qu'on exagère beaucoup sur le Secteur Quatre, s'étonne Lexi. Il a presque aussi mauvaise réputation que le Secteur Dix-neuf, mais ils n'ont vraiment rien à voir.
— Tu parles sans savoir.
— Savoir quoi ? Je crois ce que je vois. J'ai déjà... vécu une désillusion. Une fois, ça me suffit. »
Elle se souvient de Nox et sa bande, leurs visages sans doute marqués à jamais dans son esprit. Elle revoit le doux sourire, les yeux compatissants, cette sincérité dans son désir de la protéger de la Garde, clamant qu'ils ne feraient pas de distinction, s'ils voyaient Lexi avec les Faucheurs. Et elle a été tentée de le croire, pendant un instant, puis de croire le contraire. Perdue. Nox avait dû le sentir, lui aussi, qu'elle était perdue. Que toutes les informations se mélangeaient et plus rien ne faisait sens, pour elle. Une douleur sourde lui vrille l'estomac. Et, tandis qu'une vague de chaleur se réveille avec l'angoisse, Lexi se force à penser à autre chose. Comme le vent qui lui emmêle les cheveux, synonyme d'un début d'automne artificiel. Même si tout est contrôlé sur Hynis, les changements météorologiques ne manquent jamais de la surprendre. Peut-être parce qu'elle n' pas une seule fois pris la peine de regarder les prévisions, ni d'étudier le ciel avant de sortir.
« Ce secteur est un point d'échange. »
Coma dévisage les enfants, le regard dur, les traits fermés, comme s'ils pouvaient être une menace qu'il cherche à anticiper. L'idée lui semble stupide. Même s'il avait raison, Lexi est persuadée qu'ils feraient profil bas. Rien que la vue du Garde, avec sa haute stature, ses épaules larges, ses muscles saillants sous la combinaison qui les épouse à la perfection, suffirait à décourager quiconque. Mais sa remarque ne fait aucun sens, pour elle. Lexi hausse un sourcil, dans une demande silencieuse de quelques précisions.
VOUS LISEZ
Lexi et Coma
RomanceDe prime abord, l'ordre règne sur Hynis. Depuis la création de la colonie, il y a 255 années terriennes, les êtres humains sont maintenus dans cette paix qu'ils chérissent tant. Les informations diffusées aux travers des médias ne sont que messages...