Chapitre 39

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Il y a quelque chose de particulier, dans ce vaisseau. Une journée à déambuler à l'intérieur, faute de pouvoir faire mieux — comme assister à ces réunions qui lui sont interdites, ou apprendre ce qu'il se passe réellement ici car il se trouve que les langues sont nettement moins déliées que celle d'Anderson, qu'elle a rencontré en cuisines —, lui a appris qu'il y a des couloirs où l'atmosphère lui paraît d'une lourdeur intenable, sans raison apparente. Elle n'a pas pu y rester plus d'une dizaine de minutes, prise d'une nausée incontrôlable alors que rien ne semblait avoir changé : pas d'odeurs particulières, rien de visuellement alarmant non plus. Mais, elle avait dû se rendre à l'évidence, son estomac avait protesté et elle n'aurait pas pu l'ignorer.

Lexi se triture les doigts, assise en tailleur sur le sol froid de la chambre qui lui a été attribuée, prise entre l'envie d'en savoir plus et celle de rester enfermée ici. L'idée de mettre le doigt sur quelque chose qui risque de ne pas lui plaire l'effraie autant qu'elle fait monter en elle, doucement, de manière presque insidieuse, une forme d'excitation.

Elle tente de fermer les yeux pour se concentrer sur un calme intérieur qui ne vient pas. Puis elle détaille les murs vides, au gris anthracite lui rappelant par son aspect morne et uniforme qu'elle est dans un véhicule de la Garde, et compte le nombre de lignes verticales formant un dessin régulier devant elle. Lexi en vient même à espérer recevoir la visite de son frère ou celle de Zeck. Elle n'ose s'aventurer à soupirer sur celle de Coma, certaine qu'il ne laissera pas tomber son masque de capitaine avant un bon moment, désormais qu'il a réinvesti pleinement ses fonctions. Elle s'est d'ailleurs contentée de l'observer de loin, tandis que défilaient les heures. Et lui, de son côté, n'a pas pris un instant pour relever les yeux de sa tablette.

Malgré tout, son exploration solitaire lui a apporté quelques informations. Elle a appris que les journées étaient plutôt calmes, mais que les nuits devenaient de plus en plus angoissantes, depuis ces trois derniers jours. Le Sergent Walberg, devenu Officier en charge du vaisseau à la place d'une autre personne a-t-elle cru comprendre, a ordonné un confinement total de vingt heures à sept heures du matin. Personne n'est autorisé à l'extérieur des chambres, et pour s'en assurer (par mesure de sécurité, dit-on) toutes les portes sont verrouillées pendant ce laps de temps. Raison pour laquelle elle a été encouragée à rejoindre sa cabine, même s'il lui reste encore une bonne heure avant le verrouillage des portes. Bien entendu, ces informations n'ont pas arrangé ce sentiment de confusion qui grimpe et s'installe à mesure que le temps passe. Lexi n'est pas non plus certaine d'avoir envie de passer une nuit, seule et enfermée dans un endroit inconnu, pour une véritable nuit d'horreur selon ce qu'on lui a décrit, mais dont elle ignore tout.

Elle a également appris que la Base A n'est pas le nom du vaisseau dans lequel ils se trouvent. Ce dernier répond à l'immatriculation « T.U.F. Explorer Aquila ». Dans son peu de culture géo-politique, elle ignore ce que cet acronyme veut dire, mais elle s'est évidemment gardée d'interroger l'équipage ; elle a prévu de le demander à Z, une fois qu'elle se retrouverait seule.

Le moment est parfaitement choisi, ça lui changera les idées. Et Z ne tarde pas à lui répondre, polie et utile, comme à son habitude.

« Terrestrian United Federation, Cadet Walberg.

— Toi aussi, tu oublies le matricule, maintenant ?

— Notre capitaine est très persuasif. Il m'est tout simplement impossible de ne pas accéder à ses demandes.

— Tu m'en diras tant, rétorque Lexi en souriant, entourant ses genoux de ses bras et laissant aller l'arrière de sa tête contre le mur. Tu peux m'en dire plus sur cette fédération ?

Lexi et ComaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant