Chapitre 26

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La salle tangue légèrement, Lexi s'agrippe à une barre de mur, de celles que l'on retrouve en cours de danse, le souffle court et le cœur au bord des lèvres. Elle a un peu trop forcé, comme à chaque entraînement, repoussant les limites de son corps jusqu'à s'en trouver mal. Des gouttes de sueur roulent le long de ses tempes, de ses joues, pour s'écraser sur le sol, sauf quand elles n'y parviennent pas, comme celles dans son dos, qui finissent absorbées par le haut collé à sa peau, déjà humide. Gork pose une main sur son épaule en lâchant un mot de félicitations, avant de s'en aller réserver le même traitement à ses comparses.

Du coin de l'œil, elle voit Rada dans un état plus déplorable encore que le sien et elle tente un petit sourire d'encouragement, mais elle ne lui répond pas et détourne le regard. La lueur de ses yeux s'est éteinte depuis quelques jours déjà. Malgré sa discrétion habituelle et son côté un peu timide, la jeune femme a réussi à s'ouvrir à Lexi, et inversement. Elles avaient passé plusieurs nuits, incapables de dormir, chacune pour ses propres raisons qu'elles n'abordaient jamais, à discuter de tout et de rien. Les murmures s'étaient vite transformés en vraies conversations et même parfois en éclats de rire. Si bien qu'elles avaient choisi, un soir, de s'éclipser pour laisser les autres filles dormir et qu'elles avaient fini, en plein milieu de la passerelle, à observer les étoiles et à discuter, emmitouflées dans une couette apportée pour l'occasion. Puis elles avaient recommencé, une deuxième fois et une troisième.

Lorsqu'elle a récupéré un peu, Lexi s'approche de sa co-équipière, faisant fi de leur air échevelé et de leur besoin imminent de prendre une douche. Elle se veut rassurante, touchée par l'attitude fermée que revêt Rada.

« Tout va bien se passer, tu as encore demain et après-demain pour remonter. »

Mais sitôt ses paroles expulsées que Lexi se mord la lèvre. Elles sonnent moins bien que ce qu'elle aurait voulu. Plus creuses, plus fausses. Pourtant, il n'en est rien, Lexi est bel et bien convaincue de ce qu'elle lui dit. Mais, comme pour s'assurer que son message soit bien interprété, elle ajoute :

« Je t'aiderai ! »

Rada lui offre un sourire navré et elle se concentre sur sa natte qu'elle défait pour la refaire aussitôt, machinalement. Un geste vide de toute logique, après un tel exercice physique, mais Lexi a compris depuis un moment qu'il s'agit plus d'un réflexe que du réel besoin de se recoiffer. D'autant qu'elle n'ose rien ajouter, elle se contente de tresser sa chevelure et de détourner les yeux.

Trois recrues leur passent à côté, dans un état bien moins alarmant que le leur — apparemment, ils ont fait de leur séance journalière une promenade de santé, tant mieux pour eux ! —, et murmurent quelques futilités que les filles ne cherchent pas à creuser. Voilà deux jours que Rada s'est retrouvée en bas du tableau d'affichage et elle est devenue la cible de commérages depuis tout autant de temps. Son teint hâlé, ses grands yeux noisettes et ses cheveux d'un noir profond rappellent ceux de son père, sans qu'on puisse s'y méprendre. Ce dernier étant particulièrement connu du grand public, mêmes les gens qui ne sont pas dans leur équipe ne tardent pas à faire le lien. Au grand dam de la jeune femme qui préfère rester loin de l'image parfaite, du succès indéniable de son père et de l'empire qu'il a bâti. Bien sûr, le fait que les conversations ne cessent de tourner autour d'elle depuis deux jours n'aide pas ses performances.

« Hey..., souffle Lexi en penchant un peu la tête pour capter le regard de son amie. On ne va pas te laisser tomber, Rada. Ingrid nous attend tout à l'heure pour un entraînement spécial. Il faut que tu tiennes le coup, tu peux le faire. »

Et, comme si ces mots étaient exactement ceux qu'elle avait besoin d'entendre, Rada relève le menton pour enfin lui faire face et lui offrir un petit sourire discret, suivi d'un « merci » chuchoté.

Lexi et ComaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant