Chapitre 25

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Non...

Ce miroir irréel la propulse dans un tourbillon vertigineux. Elle a la sensation de se noyer, même sans qu'il n'y ait la moindre trace d'eau nulle part. Nulle part sauf sur ses joues.

La douleur ne s'atténue pas, même quand elle se retrouve de nouveau dans la salle d'entraînement, les bras ballants, le regard vide. L'âme plus vide encore. Coma lui jette un regard, bref mais si brusque qu'il aurait pu lui mettre une gifle avec une planche de bois, le résultat aurait été le même.

C'est à peine si elle entend sa remarque, elle ne capte que les mots « responsabilité », « conséquence », « Garde », mais elle est incapable de les mettre dans l'ordre, de voir une quelconque logique se tisser entre eux.

Elle pensait que le vide passerait, que la culpabilité finirait par s'atténuer et, si ce n'était pas pour Coma et sa mission dévastatrice, le rappel d'un cauchemar encore trop vivace, Lexi faisait un travail remarquable jusque là. Elle a réussi à éviter le sujet autant que possible, pendant ces heures sombres où la nuit l'entoure et où sa conscience se déchaîne. Là où réside sa seule véritable capacité, celle qui ne lui a jamais fait défaut : continuer à avancer, mettre le passé de côté. Ce qu'elle a fait au décès de son père, ce qu'elle a fait quand Hayden s'est engagé dans la Garde, suivi par Zeck, que sa vie a perdu ses piliers, que les fondations se sont mises à trembler. Ce qu'elle a fait pour se sortir du noir perpétuel, pour remonter à la surface, respirer à nouveau. Et ce qu'elle a fait pour se convaincre que la mort des Faucheurs était un accident, plus qu'une erreur de sa part.

Toutefois... La vérité est comme les rayons du soleil : elle peut être dissimulée un temps, pendant que la lune cache le monde dans son enveloppe d'obscurité, mais elle finit toujours par refaire surface.



La porte se referme et le noir qui l'engloutit la propulse dans une agonie que Lexi ne tente même pas de dissimuler. On pourrait croire qu'on lui faisait subir une monstrueuse torture, tant ses cris résonnent entre les quatre murs de la pièce-prison. Sa voix se brise, mais n'emporte ni l'angoisse, ni la détermination de sortir d'ici, coûte que coûte. Elle se fiche bien de devoir rester isolée le temps de sa punition, elle sait qu'elle n'y coupera pas et, quelque part, ce rappel lui fait prendre conscience qu'elle l'a mérité. Mais pas dans le noir. Tout, sauf le noir.

« La lumière ! La lumière ! »

De toutes ses forces, décuplées par la peur de revivre en boucle ces moments, une nouvelle fois, Lexi se jette contre la porte. Elle s'y écrase, littéralement, à plusieurs reprises, jusqu'à ce qu'elle ne sente plus son épaule. Aucune réponse de l'autre côté.

« Coma ! Je t'en supplie, allume la lumière. »

Et à la supplique s'ajoute encore de lourds « boum », alors qu'elle s'abîme maintenant l'autre épaule, dans l'espoir vain de faire céder la porte d'acier. Les larmes coulent, elles ne devraient pas, mais elles coulent. Au diable les promesses sans fondement, Lexi ne les avait pas faites en imaginant qu'elle devrait vivre avec le poids de vies arrachées par sa faute. D'autant de vies. Son estomac vide se révulse une nouvelle fois, mais il n'a plus rien à recracher, désormais.

La porte s'ouvre après une éternité. Sans surprise, le capitaine se tient dans l'entrebâillement, un halo de lumière derrière lui. Son visage est baigné d'ombre, mais on distingue parfaitement ses traits fermés, sévères. Pourtant, quand il s'agenouille pour se mettre à la hauteur de Lexi, échouée sur le sol, et qu'il s'adresse à elle, c'est presque avec douceur.

« OK, on va te changer de pièce, viens. »

Elle tente de se lever mais n'y parvient pas sans le soutien de Coma, qui l'attrape par la taille pour la guider vers une autre cellule. Cette fois, un hublot fait office de puits de lumière et il y a même un lit. Petit et inconfortable comparé à celui qu'elle occupe dans le dortoir, mais elle s'en moque bien. Ils s'assoient sur le matelas, les lattes émettent un grincement de souffrance.

Lexi et ComaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant