La fille du Chirurgien de la Mort

Chapitre 74 : La fin d'un problème et le début d'un autre

De tous les souvenirs qui lui étaient passés dans la tête, elle n'en avait dit que peu. Elle n'avait partagé brièvement que des bribes du passé commun des trois femmes et de l'organisation de l'établissement. Elle n'avait pas évoqué de souvenir lui étant heureux ou puissant, rien que des banalités.

Mais banalité pour elle uniquement. Le chirurgien de la mort l'avait écouté avec attention, maintenant qu'elle se décidait enfin à coopérer un minimum. Aucun commentaire de quelque sorte n'était sorti de sa bouche, mais son regard restait incendiaire. Il voyait dans les pauses qu'elle faisait, qu'elle aurait pu en dire plus. Elle n'entrait pas dans les détails. Il ne savait pas de quelle nature ils étaient, mais il aurait préféré ne rien ignorer, par prudence, pour être certain qu'elle ne les mène pas en bateau dans un dernier élan de provocation.

Elle finit par se taire. Elle avait, selon elle, répondu à toutes ses questions. Maintenant, il pourrait peut-être enfin l'achever. Sa respiration la gênait, elle ne pourrait jamais plus se déplacer correctement et ses organes internes ne pourraient assurément plus assurer normalement leurs fonctions, même avec l'aide de son fruit du démon.

- C'est bon, t'as eu tout ce que tu voulais... ?

- Pas exactement. Il reste une dernière chose.

Il s'accroupit pour être à la hauteur du visage de la harpie. Il lui souleva la mâchoire, puisqu'elle semblait avoir du mal à garder la tête droite, la faisant grimacer.

- Grace. Je veux savoir ce qu'il lui est arrivé, tout ce qu'il lui est arrivé, tout ce que vous lui avez fait endurer.

Elle ne pipa mot et soutint son regard, son visage toujours tendu par la douleur qu'elle n'arrivait plus à camoufler. Tant qu'il tiendrait son visage ainsi, elle n'arriverait pas à aligner deux mots et il le savait.

Il la lâcha après quelques secondes supplémentaires de torture et se tint de nouveau debout, les bras croisés, prêt à tout encaisser.

La harpie réussit à cracher du sang avant de parler.

- Je ne vois pas de quoi tu veux parler, elle était une gamine comme les autres, bonne à être vendu. Les seuls « tortures » qu'on lui a fait subir tu as pu les voir par toi-même.

- Je pensais que tu avais compris qu'il était mauvais pour toi de jouer avec mes nerfs, gronda le pirate.

Elle vit son pied bouger et le coup arriver droit sur son ventre sans réagir. Il la toucha vivement, elle cracha du sang. Etrangement, la douleur était moins vive qu'avant. Enfin une bonne nouvelle pour elle, son corps devenait si abimé que la douleur commençait à disparaitre.

- Elle était vêtue de rose, elle était donc une de vos choses. Je veux savoir ce qu'il lui est arrivé !

C'était la première fois qu'il criait de la sorte. Il avait déjà crié avant, mais pas avec autant de détresse et de volonté d'aider sa fille.

- Demande-lui par toi-même, grogna Célaéno, elle n'était pas à moi, mais à Veia. Les enfants aussi désobéissants l'attirent... l'attiraient. On aurait dû les vendre plus vite que les autres, ça nous aurait évité des problèmes...

- Mais je me moque de ce que vous auriez dû faire ou non ! Tu devais bien savoir ce qui arrivait aux enfants choisis par elle ! Et à cause de ses pouvoirs de malheur, Grace ne se souvient de rien ! Cesse de me prendre pour un con et crache le morceau !

Les yeux de la prisonnière se posèrent sur l'enfant attendant plus loin. Elle ne se souvenait pas ? Pourtant, tous les enfants gardaient des souvenirs de ce qu'il se passait lorsqu'ils étaient sous l'emprise de la détentrice du fruit du python. Elle ne se souvenait pas ? Elle ne voulait pas se souvenir, oui ! Et maintenant ça lui tombait sur la tête en plus du reste.