Chapitre 21

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Je m'arrêtais à l'endroit que m'avait indiqué Wolf. Je l'attendais donc sur un muret, en observant les maisons ni très hautes et ni très grande, et pourtant elles avaient un charme. J'étendis mes jambes et envoyai un SMS à ma mère pour lui assurer que j'étais arrivé à destination. Lorsque je l'avais informée de mon footing avec Michael, indiquant que nous avions échangé à ce sujet, elle s'était étonnée mais avait trouvé ça positif pour moi. Elle se disait certainement qu'il aurait une bonne influence. Je rangeais mon portable dans ma poche, le casque toujours vissé à mes oreilles. On enleva soudainement mon casque, ce qui me fit sursauter. Je relevais le visage vers le ciel et aperçus deux iris bleus. Michael glissa mon casque sur ma nuque.

« On se bouge, ordonna-t-il. »

On se mit en marche, côte à côte. Michael semblait d'humeur, et en était même bavard. Il me raconta, notamment, sa première découverte du lieu. Après cette histoire, et nos muscles réchauffés, on commença à augmenter la cadence. Ici et là, on croisait quelques commerces. De rares voitures nous dépassaient. On augmenta encore notre rythme. J'arrivais même à dépasser le flic, à un moment. Je lui jetais un regard moqueur, et en quelque foulée il me rattrapa.

« Tu t'amuses bien ? Déclara-t-il entre deux respirations dans un haussement de sourcils. »

J'opinais. Il m'ébouriffa les cheveux avant de déployer sa foulée, me laissant en plan. Je soufflais un rire, voyant Michael me distancier. Je ne pouvais m'empêcher de penser que sa présence était vraiment agréable. Je passais de bons moments avec lui et le voir régulièrement ces derniers temps était une chance. J'avais envie que ça continue. En évitant un passant, je notais alors que Wolf avait disparu de mon champs de vision. Il m'avait bel et bien semé, et je ne pus que sourire.

***

Je sentais la fatigue pointer alors que nous évoluions dans le trafic, je luttais d'ailleurs pour ne pas m'endormir. Je coinçais donc mon coude sur l'accoudoir et déposais mon visage dans ma paume. Un silence s'installa dans l'habitacle, parfois brisé par la manie de Michael à pianoter sur le volant. Je fermais un instant les yeux, profitant de ce calme apparent. Ce dernier ne tarda pas à être brisé par une sonnerie de téléphone. J'ouvris un œil, observant Michael décrocher sans regarder son portable et enclencher son haut parleur :

« Wolf, dit-il automatiquement. »

Je compris qu'il agissait par habitude. Je détournais mes yeux, les posant sur la circulation.

« As-tu finis ta séance de sport ? Parce que moi oui. D'ailleurs, je me tâte à t'attendre pour que nous profitions d'une douche ensemble, ronronna une voix que je reconnus rapidement. »

Je me figeais net. Son partenaire, Julien, semblait l'être aussi dans sa vie. Plusieurs questions se bousculèrent dans ma tête. Tout d'abord, depuis quand ? Ensuite, nous avait-il mentis lorsqu'il était venu dîner ? Puis, qu'est-ce j'étais donc pour lui ? D'autres suivirent rapidement, qui s'évaporèrent lorsque je notais le visage de Michael. Il n'était plus lui-même. Ses traits étaient tirés, il semblait alerte et surtout, son teint semblait plus pâle qu'à l'habitude. Je ne compris pas de suite l'origine de cette réaction alors que je saisissais très bien celle qui naissait en moi : la déception et le dégoût. Je m'en voulais de me sentir jaloux, d'avoir envie qu'il se justifie et surtout d'avoir des sentiments pour cet homme. Lui semblait ne pas en avoir, d'ailleurs. Puis, la colère remplaçait tout ce qui était quelques secondes plus tôt dans ma tête. Michael attrapa son portable, enleva le haut parleur, déclarant :

« Je te rappelle. »

Je le dévisageais, et lançais sans réfléchir :

« Je croyais que tu n'avais personne. »

Pourquoi avais-je demandé cela ? Je ne comprenais pas. Je me sentais pourtant trahis et agacé. Michael ne répondit pas de suite, se contentant de fixer la route. Il semblait réfléchir alors que la colère montait en flèche en moi. Il avait menti, avait caché sa relation avec Julien. Pourquoi ne m'avait-il rien dit ? Pourquoi, aussi, n'avait-il pas nié être en couple avec moi au restaurant ? A quoi jouait-il me concernant ? Qu'est-ce que j'étais pour lui ? Tout cela se mélangeait dans mon esprit. Il fallait que je parte. Si je prenais de la distance, j'aurais peut-être une chance de réfléchir et de ne pas voir cet air contrit qu'il affichait. Si je restais là, il allait m'embobiner comme il semblait le faire dès que je montrais un peu de résistance. Mes pensées n'étaient plus rationnelles, je le sentais. Je déclarais d'un ton autoritaire :

« Arrêtes-toi là. Je rentre en bus. »

Il eut un moment d'hésitation mais ne m'écouta pas.

« Joshua, laisses-moi... »

Je réitérais mon injonction, plus fortement et en le coupant. Quand je tentais d'ouvrir la portière tandis qu'on roulait, et qu'il dut m'en empêcher, il capitula. Il se gara sur le côté, et tenta de me retenir en m'attrapant le poignet. Je jetais un bref regard vers lui, me dégageais avec colère. Je ne lui prêtais aucune attention lorsque je me faufilais sur le trottoir, la rage au ventre et l'esprit en ébullition. Tout se mêlait, je réfléchissais à toutes ses actions et remettait l'entièreté de nos échanges en question. Une question tournait aussi en boucle dans ma tête : n'étais-je qu'une lubie du moment, un gosse dont il fallait s'occuper et remettre dans le droit chemin ? Mes yeux accrochèrent son véhicule un instant, alors qu'il se mêlait au trafic, puis je les détournais. J'évoluais désormais avec énergie jusqu'à un arrêt de bus. Je dus marcher une dizaine de minutes jusqu'à en croiser un. Je patientais jusqu'à ce qu'un transport ne se dessine enfin dans la nuit tombée.

***

Mon portable vibra, indiquant un message de Wolf. Je préférais le supprimer directement, sans prêter attention à ce qu'il voulait. Je n'avais pas décoléré depuis la dernière fois, plus encore parce que Michael avait joué aux fantômes. Je lui en avais voulu pour ça, pour sa relation avec son partenaire, pour le jeu dans lequel j'avais été pris avec lui et plus encore pour les sentiments que je nourrissais à son égard. J'avais donc fait un choix : je rayais Wolf de ma vie. Cela me faisait mal, sacrément même. J'avais passé bien trop de temps à me morfondre les jours qui avaient suivis, n'étant plus que l'ombre de moi-même. Tout le monde l'avait remarqué, sans comprendre les raisons. Je rangeais finalement mon portable dans ma poche, prenant garde à être discret afin de ne pas me faire attraper par l'enseignant. Je me concentrais à nouveau sur la discussion en cours. La sonnerie retentit, signalant la pause. Comme la leçon était compliquée, et donc barbante, tout le monde devait être soulagé que le calvaire se termine. Nous sortîmes pour fumer. Je coinçais, comme toujours, ma clope au dessus de mon oreille percée. Nous atterrîmes dans les escaliers, descendions jusqu'au hall avant d'arriver dehors. Les mètres qui nous séparaient de l'extérieur furent rapidement avalé. Nos camarades étaient déjà là, en train de se rouler un joint.

« Les mecs, ce n'est pas une bonne idée, assurais-je en les saluant.

-Balec, on a philo après. Ça permettra de sortir des choses intelligentes, répondit l'un d'eux en déclenchant un rire général.

-J'y crois moyen. Mais, qui ne tente rien n'a rien, comme on dit, se moqua Gabbin. »

Je positionnais ma cigarette entre mes lèvres et l'allumais, protégeant d'une main la flamme que je venais de faire naître de mon briquet. J'inhalais, sentant mes épaules se détendre légèrement. J'étais particulièrement sous tension depuis ma dernière rencontre avec le flic. Je ne faisais que ressasser cet épisode. Je ne pus que me réjouir de la soirée qui nous attendait. Elle serait un défouloir pour moi et me permettrait de me tirer de mon spleen.

Mon policier énervant, perturbant mais particulièrement séduisant - TerminéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant