Chapitre 21

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Cela fait une semaine maintenant que nous sommes arrivées à Paris. Mes journées se suivent et se ressemblent. J'ai déjà fait le tour de toutes les boutiques du quartier et essayé plusieurs restaurants. Pourtant, une idée a commencé à germer dans ma tête et refuse de me quitter : je dois rendre visite à quelqu'un.

Le lundi approche à grands pas. Je m'habille d'un jean bleu, d'un sweat-shirt noir à capuche et j'enfile une doudoune de la même couleur. Pour camoufler mon visage, je porte des lunettes de vue et une casquette.

- Où-vas-tu comme ça ? Demande Luna, intriguée par ma tenue.

- Je sors faire un tour. Je réponds tout simplement.

- Juliette, fais attention, ne te mets pas dans le pétrin ! Me met-elle en garde.

- Ok. Je réplique sans trop m'étendre sur mes intentions.

Je ne sais pas si c'est une menace voilée ou une mise en garde voilée. De toute évidence, Luna a l'air préoccupée, mais elle ne cherche pas à me retenir, me laissant partir sans plus d'insistance.

Je prends le métro jusqu'à la station Saint-Lazare, puis le train en direction de la ville où j'ai passé une partie de mon enfance. Lorsque j'arrive sur place, je marche avec assurance, le dos bien droit, le regard fixé résolument vers l'horizon. Dans ce genre d'endroit, il est préférable de ne pas baisser les yeux. Heureusement, tout est calme le matin, les dealeurs sont retournés se reposer.

Le quartier n'a pas changé, toujours aussi délabré et jonché de détritus en tout genre. Je grimpe les escaliers jusqu'au cinquième étage. Je croise deux mamies qui m'observent attentivement, scrutant chaque détail de ma tenue, mais elles s'abstiennent de me parler. Une fois dans le couloir, je prends une profonde inspiration pour me donner du courage, puis je sonne à la porte de l'appartement du fond.

- Bonjour Madeleine.

- Juliette ! Elle me serre fort dans ses bras en sanglotant. Elle a l'air agréablement surprise.

Madeleine est ma marraine, j'ai passé une partie de mon enfance chez elle, la seule période où j'ai été vraiment heureuse. J'avais cinq ans quand j'ai perdu mes parents dans un tragique accident de voiture. Son mari et elle m'ont accueillie pendant trois ans, durant lesquels je me suis sentie en sécurité. Seulement, leurs problèmes financiers ont fini par les rattraper : Madeleine a perdu son travail de femme de ménage, et son mari était accro aux jeux de hasard. Ils ont été contraints de se séparer de moi. À l'époque, je les ai haïs, maudis chaque soir, mais en devenant adulte, j'ai su leur trouver des excuses, les comprendre, et enfin leur pardonner. Nous traversons tous des périodes difficiles qui nous courbent, nous brisent, et seuls les plus forts arrivent à se relever.

- Tu m'as tellement manqué ! Dis-je, les larmes aux yeux.

- Merci pour l'argent, merci pour tout. Grâce à toi, j'ai pu rembourser les dettes de Daniel.

- Ce n'est rien.

- Rentre, ne reste pas là.

À l'intérieur, rien n'a vraiment changé. Toujours les mêmes meubles vieillots des années soixante. Même la machine à coudre Singer est figée au même endroit près du canapé, face à la télévision, exactement comme dans mon souvenir.

Les motifs floraux et géométriques des tapis et des rideaux rappellent les tendances de l'époque. Les teintes passées des murs laissent deviner les couleurs qui ont été à la mode il y a des décennies.

- Oncle Daniel est là ? Je demande.

- Oui, il dort. Il travaille la nuit et se repose la journée. Je vais le prévenir de ta venue.

Un ticket gagnant (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant