Chapitre 39

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Après quelques semaines de rééducation et beaucoup de volonté, je peux enfin remarcher avec une canne. La maison me semble désormais immense, chaque déplacement nécessitant un effort supplémentaire. Luna est souvent là, étrangement bienveillante à mon égard. Je compte bien découvrir la raison de ce changement soudain.

Fière de mon exploit ce matin, je marche jusqu'au bureau de Kaito. La porte est légèrement entrouverte, révélant une conversation en cours. Je suis sur le point de m'annoncer quand j'entends mon prénom.

- Que comptes-tu faire de Juliette ?

- Pardon ?

- Tu m'as confirmé n'avoir plus aucun contact avec elle, et la voilà qui crèche chez toi.

- Ne t'avise pas de l'approcher ! menace Kaito. Elle ne crèche pas, elle se rétablit doucement. C'est la moindre des choses, vu que c'est de ma faute tout ça !

- Tu l'aimes à ce point.

- Je pense que j'ai remboursé mes dettes envers toi et ton père, Marie !

- Ne change pas de sujet, et non, tu es loin du compte Kaito ! Très loin.

- Tu m'as tiré dessus, tu as failli me tuer. J'aurais pu te dénoncer à la police ou faire ma propre justice, mais j'ai mis le tout sur le compte de ta maladie mentale. Maintenant que tu as retrouvé la mémoire, j'aimerais avoir la paix et en finir avec cette histoire.

Marie quitte la pièce en claquant violemment la porte, le bruit résonnant dans toute la maison comme une explosion. La force du choc me fait perdre l'équilibre, et je bascule en avant. Ma canne m'échappe des mains, heurtant le sol avec un bruit sec, et je me retrouve à genoux, le cœur battant à tout rompre. Le choc me paralyse un instant, une vague de douleur traversant mes genoux et mes poignets.

Marie, les yeux flamboyants de rage, se retourne une dernière fois et me fixe avec un regard de pure haine.

- Toi, tu vas me le payer très cher ! Elle me pointe du doigt, ses paroles crachées comme du venin.

- Toi, tu vas me le payer très cher, salope ! Elle me pointe du doigt avant de partir.

Son regard, empreint de colère, me glace sur place, mon cœur battant la chamade.

- Juliette ! Kaito accourt pour m'aider à me relever. Je suis désolé. Je voulais t'éviter ça.

Je le regarde, essayant de cacher ma peur sous un sourire fragile, mais mes mains tremblent encore. La violence de Marie m'a profondément secouée, et bien que je tente de paraître forte, l'incident m'a laissée vulnérable et effrayée.

- Elle ne me porte pas dans son cœur, j'ironise.

- Elle est dangereuse, tu sais. Viens. Il me soutient jusqu'au grand canapé du bureau.

- J'avais compris, mais je n'ai pas peur, dis-je en tentant de le rassurer.

- Tu devrais. Il a l'air très sérieux. Je sais que je devrais plutôt te rassurer et te dire que tout ira bien, mais avec elle, je ne peux pas prendre ce risque. Je préfère que tu restes sur tes gardes, et pour cela, il va falloir que nous t'équipions d'une arme.

- Non, ce n'est pas nécessaire... Regarde-moi, c'est à peine si je peux me déplacer. Je baisse les yeux vers le sol, un peu honteuse de mon état.

- Tu devrais avoir une arme dans ta chambre. Écoute, je dois passer au stand de tir cet après-midi, accompagne-moi, dit-il en posant sa main sur la mienne, cherchant mon regard.

Ses mots résonnent en moi, soulignant l'urgence de la situation. "Il a raison, cette fille semble vraiment dangereuse. Elle m'a menacée à deux reprises maintenant."

- D'accord, mais est-ce qu'il ne faut pas une certaine forme physique pour tirer ? Moi, avec ma canne, au stand de tir, je serais certainement l'objet de moqueries, mais bon.

- Ne t'en fais pas, je serai là pour te soutenir, juste derrière toi, dit-il, un sourire très séduisant étirant son visage.

- J'ai hâte d'y être.

Je me prépare du mieux que je peux pour cette sortie. Luna vient même à mon secours. Elle m'aide à m'habiller et à enfiler mes chaussures.

- Tu sais, c'est une bonne chose que tu saches te défendre, me dit-elle.

- Tu sais utiliser une arme, n'est-ce pas ?

- Oui, j'en ai toujours une sur moi. Je te la montrerai un autre jour.

- Je l'ai déjà vue.  Désolée, je ne l'ai pas fait exprès. Mais quand je préparais ton sac à Paris, je suis tombée dessus.

- Ok, je comprends. Je serai plus prudente. Reprend-elle, amusée.

- C'est tout ?

- C'est-à-dire ?

- Tu es gentille avec moi, aux petits soins, je ne comprends pas, c'est le jour et la nuit quoi !

- Nous avons peut-être vécu les mêmes choses sans le savoir.

Je plisse les yeux, perplexe, essayant de comprendre ses paroles.

- J'ai été violée par mon beau-père, je me suis retrouvée dans la rue, livrée à moi-même. J'ai vécu dans des centres pour mineurs et étais sujette à des agressions de toutes sortes avant de m'enfuir.

- Je suis désolée.

- Non, il ne faut pas l'être. Sans ce passé et l'aide de Kaito, je ne serais certainement pas ce que je suis aujourd'hui.

- C'est Kaito qui t'a parlé de moi ?

- Oui, ce jour-là, il était un peu éméché et il n'a pas supporté que je te traite de...

- De...?

- Désolée, je ne ressentais rien de particulier pour toi.

- Je vois, je ne ressentais pas non plus d'affection particulière pour toi. Luna, je sais que tu es amoureuse de ton patron.

- Tout le monde le sait, même lui soupire-t-elle, abattue. Mais il n'a d'yeux que pour toi, alors je laisse tomber...

Je ne peux pas être désolée pour elle, mais je compatis à son chagrin.

- Je ne serai pas un obstacle sur votre chemin. Mais promets-moi de ne pas baisser les bras face à Marie. Cette fille a tenté de te tuer, mais il continue à la protéger par respect pour sa famille. Il faut que cela cesse.

- Je te fais cette promesse.

Un ticket gagnant (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant