Chapitre 44

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Il est vingt heures, la maison est en ébullition, les voix s'élèvent dans un brouhaha confus, témoignant de l'agitation qui règne. Je me redresse sur le lit, alertée par le tumulte. Un homme de Kaito traverse précipitamment le jardin, ignorant mes appels.

- Que se passe-t-il ? demandé-je, tentant de retenir un autre passant.

Il marmonne quelque chose en japonais et poursuit sa course. Mes supplications restent vaines, aucun ne prend le temps de m'expliquer. Mon cœur se serre lorsque je compose le numéro de Kaito, mais ma gorge se noue en entendant sa messagerie.

- S'il te plaît, rappelle-moi. Je ne sais pas ce qui se passe ici... Rappelle-moi.

Je raccroche, les mains tremblantes, et compose le numéro de Luna. Le téléphone sonne longtemps avant qu'elle ne décroche.

- Luna, dis-moi ce qui se passe...

- Il y a eu un accident, je te rappelle, répond-elle sèchement avant de couper court.

- Non, attends...

Je sens mes jambes fléchir sous l'émotion. Je rassemble mes esprits et retourne dans la maison. Une télévision allumée dans le salon diffuse des images d'un accident tragique sur l'autoroute, des secours s'affairant autour de véhicules écrasés. Mon souffle se coupe lorsque les visages de Kaito et de Marie apparaissent à l'écran.

Le téléphone sonne soudainement, me faisant sursauter. Mon cœur s'emballe et ma respiration devient saccadée. Je rappelle Luna, mais elle ne décroche plus.

Déterminée à en savoir plus, je cherche désespérément quelqu'un pour me conduire sur les lieux de l'accident. Ryota apparaît tel un sauveur, et je le rattrape par le bras pour l'obliger à m'écouter.

- Je t'en supplie, emmène-moi... Je veux le voir.

- Mademoiselle, tout va bien, calmez-vous. Kaito-sama va bien, il a eu quelques égratignures c'est tout.

- Merci mon Dieu ! m'écrié-je avant de m'effondrer sur les genoux, vidée de mon énergie.

- Venez, je vous emmène à l'hôpital, dit-il en me soutenant jusqu'à la voiture.

Je m'installe à l'arrière, secouée, la gorge serrée.

- J'ai vu... les infos à la télé montraient sa photo.

- Oui, mais il va bien, contrairement à cette femme, elle est... Elle est morte.

- Quoi ! m'exclamé-je, choquée d'apprendre sa disparition après avoir souvent souhaité sa mort.

- Elle était saoule, et peut-être même droguée. Kaito-sama a tenté de la retenir en vain.

- Tu étais sur place ?

- Oui, il a pris les clés de la voiture pour la suivre, pensant certainement l'empêcher de faire une bêtise.

Je ne serai rassurée que lorsque je le verrai respirer de mes propres yeux.

- Allez plus vite s'il vous plaît, je demande au conducteur.

- Non, cela ne sert à rien, un accident suffit pour aujourd'hui, dit Ryota avec sérieux.

- Désolée, c'est juste que... je fonds en larmes.

- Je sais, je comprends, répond-il simplement, un peu gêné.

À l'hôpital, l'agitation est palpable. Le service d'urgence est envahi, les couloirs résonnent des pas précipités du personnel médical. Une tension oppressante pèse dans l'air alors que je suis Ryota, qui ouvre la voie à travers le tumulte. Il s'immobilise enfin devant une porte, frappant deux fois avant de l'ouvrir d'un geste déterminé.

Kaito est allongé sur le lit, un bras plâtré.

- Kaito...Je dépasse Ryota d'un pas déterminé pour me jeter dans les bras de Kaito,  l' enveloppant avec force, comme si ma présence pouvait apaiser ne serait-ce qu'un peu sa douleur.

- Aïe ! Ma belle, je vais bien, calme-toi.

- Désolée, désolée... je m'écarte rapidement.

- Chef, s'incline Ryota respectueusement.

- Tu peux disposer.

- J'ai vu les infos, j'étais morte d'inquiétude...Kaito, que s'est-il passé au juste ?

- Elle ne fait plus partie de ce monde.

- Je sais, Ryota m'a raconté.

- Ce n'est pas ce que je voulais, Juliette !

- Ce n'est pas ta faute, tu as tenté de la sauver.

- Si je n'ai pas tenu ma promesse de la protéger, j'ai tout foiré. J'étais égoïste, je n'ai pas pensé une seconde à ce qu'elle pouvait endurer.

Ses paroles me frappent de plein fouet, comme un coup de poignard en plein cœur, me laissant un sentiment de douleur profonde et lancinante qui semble s'ancrer en moi, comme une brûlure persistante.

- Tu insinues quoi ?

- Je n'insinue rien Juliette, je suis un peu secoué en ce moment, et je me pose des questions.

- Tu n'as rien à te reprocher... je ne comprends pas ta position.

- J'ai besoin de réfléchir. J'ai foiré pas mal de chose dernièrement, je ne sais plus comment me rattraper.

- Tu regrettes quoi au juste ?

- D'avoir causé sa mort !

- Tu n'y es pour rien, combien de fois, il faudrait que je te le répète Kaito, tu n'as rien à te reprocher... Merde ! je laisse ma colère éclater.

- Tu as l'air à cran plus que moi, rentre à la maison d'accord.

- Non, je n'ai aucune envie de partir.

- Écoute Juliette, je vais bien, juste un bras cassé à cause de l'airbag. On en parlera à la maison. Maintenant, rentre avec Ryota, déclare Kaito d'une voix calme, néanmoins empreinte d'irritation.

- Pourquoi cherches-tu à m'éloigner ? je demande, la confusion teintant mes mots.

- J'ai besoin de temps et d'espace, surtout, répond-il, son regard s'assombrissant.

- Je vois, je murmure, à la limite des larmes, alors que je quitte la chambre, ma voix tremblante.

- Oui, répond Ryota simplement.

Sur le chemin du retour, je pose ma tête contre la vitre, observant le paysage défiler sans vraiment le voir. Mes pensées tournent autour de Kaito, de son comportement envers moi.

Je sais qu'il m'aime, alors pourquoi refuse-t-il de partager sa détresse avec moi ? Est-ce qu'il me considère trop fragile pour supporter sa douleur ?

- Elle l'a cherché, bordel de merde ! La colère prend le dessus sur toute tentative d'empathie.

Je finis par demander à Ryota de me laisser sortir. L'air me manque. Il hésite, soucieux de me laisser seule, mais je l'assure que je préfère être seule. Pourtant, au dernier moment, j'accepte sa présence à mes côtés. Après tout, sa discrétion est telle qu'il se fait presque invisible.

Marchant dans les rues de Tokyo, je me retrouve sans but précis, submergée par un tumulte d'émotions. Mon esprit est en ébullition, oscillant entre la colère, la tristesse et la confusion. Les visages des passants se fondent dans un flou indistinct alors que je me perds dans mes pensées.

"Il a dû l'aimer à un moment donné pour être aussi profondément affecté par sa mort." Je réalise finalement, le cœur lourd d'une compréhension soudaine.

Un ticket gagnant (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant