Chapitre 38

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- Pauvre petite chose... murmure une voix féminine près de mon oreille.

J'ouvre les yeux et découvre Marie. Elle porte un kimono rose pâle avec des motifs floraux. Magnifique, elle est soigneusement coiffée et maquillée.

- Comment peut-on tomber aussi bas ? se moque-t-elle.

- Je... ne...

*Putain ! Aucun mot ne veut sortir de ma bouche.*

- Shuuuuuuuuuut ! dit-elle en posant son index sur mes lèvres. Pauvre cadavre.

Ses mots sont telles des lames s'enfonçant lentement dans ma poitrine.

- Tais-toi et écoute, car j'ai une histoire à te raconter. Il était une fois un jeune homme, non, un jeune et séduisant yakuza nommé Kaito. Cet homme avait un avenir prometteur, il avait gravi tous les échelons en un temps record grâce à son intelligence et son sens des affaires. Il était devenu un chef yakuza très respecté, mais surtout très craint. Mais cet homme savait qu'être yakuza n'était pas forcément un atout, c'est pourquoi il se débarrassa avec malice de cette étiquette et exploita l'argent sale dans de vraies affaires rentables. Alors que d'autres se contentaient des miettes, lui travaillait avec acharnement pour bâtir un empire. Un jour, il rencontra une belle et charmante fille, issue d'une grande et respectable famille. Celle-ci subissait des moqueries et un certain rejet dans l'entourage japonais, étant donné qu'elle était ce qu'on appelle une "hafu" (métisse, mais un terme un peu péjoratif). Seulement, Kaito était toujours là pour prendre sa défense et mettre un terme à tout mépris à son égard.

Elle prend une profonde inspiration et vient s'asseoir près de moi sur le lit, avant de prendre ma main dans la sienne. Ce geste glace le sang dans mes veines. Sous mon regard terrifié, elle saisit l'une de ses épingles à cheveux et l'enfonce brusquement dans la paume de ma main.

Je hurle intérieurement de douleur, mais aucun son ne sort de ma bouche. Ma gorge se noue, et mes larmes coulent sans que je puisse me défendre.

- Sais-tu ce que tu es, Juliette ? Elle continue d'enfoncer l'épingle tout en me fixant dans les yeux. Une petite fille sans défense que Kaito a envie de protéger. Il est comme ça, mon Kaito. Il ne peut s'empêcher de protéger les femmes. Sa mère a beaucoup souffert, alors... Il n'était qu'un petit enfant, sa mère était une prostituée malmenée par la vie et par ses brutes qui profitaient d'elle avant de la jeter comme un vieux torchon. Ils arrivaient à peine à survivre, alors il a fait la promesse de la sortir un jour de ce merdier. Malheureusement, elle est morte peu de temps après, dans ce lit, dans cette chambre. Elle jette un regard plein de dégoût autour d'elle et enfonce encore plus son épine. Et toi, tu ne vas pas tarder à la suivre, je t'en fais la promesse. Si je ne peux pas l'avoir, alors personne d'autre ne l'aura. Elle retire brusquement son objet de torture. Une petite tâche de sang s'est formée sous ma main sur le matelas. Une terrible décharge électrique traverse ma colonne vertébrale, me provoquant une douleur atroce.

- J'attends avec impatience ton rétablissement, murmure-t-elle à mon oreille.

Je la regarde s'éloigner, incapable de bouger le moindre doigt. Lorsque l'infirmière revient, elle ne remarque pas ma main dissimulée sous le drap. Elle essaie de m'aider à manger, mais je tourne la tête sur le côté en signe de refus.

Elle baragouine quelque chose en japonais avant de disparaître à nouveau.

Je reste seule un moment avant qu'elle ne revienne accompagnée de Luna.

- Salut Juliette, nous revoilà. J'aurais aimé te retrouver en meilleure forme.

Sa vue réchauffe étrangement mon cœur. Elle semble avoir pris de l'âge. Elle saisit une chaise et se place près de moi.

Un ticket gagnant (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant