𝟎𝟏.

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Un cri déchirant brise le silence. Le mien.

Ma gorge s'assèche à mesure que le temps défile, me rendant fébrile et commençant à me faire halluciner.
J'ignore combien de temps s'est écoulé depuis la dernière goutte d'eau qui s'est glissée dans ma trachée, ni le dernier morceau de viande que j'ai pu savourer, mais je ne suis pas certaine de pouvoir encore tenir sur mes jambes.

Je ne les sens même plus.

Mon corps est lourd mais faible, frissonnant de spasmes et prêt à rendre l'âme depuis quelques jours maintenant.

Je suis épuisée.

Mon regard se perd parmi l'ameublement de la grange, détaillant encore et encore les mêmes bouts de bois, les mêmes tas de paille, les mêmes fenêtres abîmées, et un lourd et douloureux soupir se coince entre mes lèvres asséchées.

Réponds moi, Esmeray ! s'époumone ma tante.

Sa voix grondante me fait tressaillir, mais je choisis de tourner la tête sur le côté, souhaitant à tout prix éviter de la regarder dans les yeux.

Ses iris me terrifient.

—Esmeray ! Pour l'amour de dieu, ne vois-tu pas que je tente de te sauver ? poursuit-elle, la voix vibrante d'une puissante colère, avant d'agripper mes épaules dans un geste empreint d'un désespoir qui aurait presque pu me convaincre.

—Je dois t'aider à vider ce gène de vampire qui coule entre tes veines avant qu'ils ne reviennent pour te chercher, murmure-t-elle à nouveau, regardant de gauche à droite comme si elle s'attendait à ce que quelqu'un apparaisse derrière elle pour confirmer ses dires.

Je secoue vainement la tête en usant le peu d'énergie qu'il me reste, et l'observe se plonger un peu plus dans la folie. Ses prunelles bleutées vacillent d'un endroit à l'autre, d'une allure qui reflète toute la hantise qui l'habite.

Sans que je ne sache réellement pour quelle raison, Tante Moira a toujours eu peur du monde extérieur et ce qui pouvait s'y tramer, ce pourquoi elle m'y a toujours strictement interdit l'accès.

Une jambe dehors équivaut à une jambe mutilée.

—J'ai toujours été ainsi, tante Moira. Tu n'as juste jamais voulu m'accepter, articulé-je difficilement, la respiration saccadée, tandis que son visage aux traits catégoriques se rapproche dangereusement du mien.

Mon coeur se serre un peu plus lorsque ses iris brûlantes pénètrent les miennes et me reflètent toute la tristesse qui y résident. Et je me surprends à la détailler du regard, cherchant des similitudes entre son visage et le mien, mais notre contact se brise lorsqu'elle m'assène une violente gifle qui fait valser ma tête sur le côté, nourrissant un peu plus mon mal de crâne.

—Ne m'appelle pas tante Moira ! fulmine-t-elle en me foudroyant du regard, crachant de dégoût et d'aversion.

Tout mon souffle se coupe brutalement tant l'œillade qu'elle me lance me pétrifie.

La veine présente sur son front semble sur le point d'éclater, et son corps se retient avec justesse de ne pas m'asséner une deuxième gifle aussi brutale que la première, alors que sa main se secoue comme si elle partageait la brûlure qu'elle venait de causer à ma joue.

𝐖𝐇𝐄𝐑𝐄 𝐖𝐄 𝐁𝐄𝐋𝐎𝐍𝐆.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant