𝟐𝟕.

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Des pas tambourinent contre la terre ferme, se rapprochant de plus en plus vite de là où je me trouve, échouée contre la boue, avant de s'arrêter brusquement derrière moi.

Je sais que c'est lui. Ses battements de coeur résonnent affreusement fort dans mes oreilles, et l'espace de quelques secondes, son souffle semble se contenir à l'intérieur de ses lèvres, comme si lui aussi, était en état de choc.

J'aimerai le regarder, lui parler et le bombarder de questions auxquelles il ne répondra pas. J'aimerai retourner me terrer dans la forêt et détourner le regard de cette scène sinistre, ce spectacle de mauvais goût, cette menace qui semble roder tout autour de la Base, avec pour message, des mots que je ne comprends pas. Mais je ne fais rien de tout ça. Je n'y parviens pas.

Je ne me retourne pas, les yeux toujours rivés sur ces corps vidés d'organes, une expression de terreur dépeinte sur ce qui leur reste de visage. Et de longues secondes s'écoulent ainsi, avant que je ne décide de me relever avec précaution, les membres frissonnant lorsque je me dresse à nouveau face à ces cadavres. Ces hommes qui, avant de n'être que des dépouilles, nous protégeait du danger environnant. Même lorsque le danger s'avérait être notre propre espèce.

Tous les quatre ont la peau arrachée à vif à certains endroits, dont la gorge et l'entrejambe, et semblent avoir souffert jusqu'à leur dernier instant, alors que la corde les garde toujours maintenus ainsi, nus et dépecés à la vue de tous, comme si leur simple mise à mort n'avait pas suffi.

Rentrons.

La voix grave d'Elijah me sort de ma torpeur. Elle vibre d'une puissance qu'il peine à contenir, et sans même le regarder, je devine que ces mots n'ont rien d'un conseil donné à la légère. Ce n'en est pas un. C'est un ordre. Et pour une fois, j'y obéis sans broncher.

Dépassant les gardes suspendus dans le vide, j'ignore les flaques de sang qui dégoulinent le long du ponton, et fais fonctionner mes jambes sans m'efforcer à réfléchir davantage. J'ignore cette colère sourde qui se faufile sous ma peau et frémit à l'intérieur de mes veines. J'avance lentement, précautionneusement, telle une ombre. Si doucement qu'Elijah finit par perdre patience, et me devance sans cacher son mécontentement, traînant le chasseur derrière ses pas, qui semble s'être évanoui depuis un bon moment.

Tout brûle autour de nous.

La fureur qui émane de ses pores est si abondante qu'elle me fait presque perdre l'équilibre, vibrant autour de lui comme une aura noire et menaçante, qui ne cesse de se répandre chaque fois que ses pas s'écrasent contre la paroi en métal, avant de se rapprocher de la porte. Tout est brouillé aux alentours. Sauf sa silhouette. La forme des arbres m'est floue, même si je détourne le regard de ses muscles qui se mouvent avec agressivité. Même si je me concentre jusqu'à me donner mal au crâne. Il est la seule chose que je suis capable d'apercevoir. Et si la situation n'était pas aussi urgente, je me serai probablement crevé les yeux.

Recule, gronde-t-il lorsque nous atteignons finalement l'immense porte en métal, blindée de tous les côtés.
Cette fois-ci, elle est solidement barricadée, me gorgeant d'espoir face à ce que nous pourrions retrouver de l'autre côté.

Sans attendre, je m'exécute et recule de plusieurs mètres, l'angoisse commençant à me monter à la gorge.

Je suis tétanisée, et je ne bouge pas.

L'espace d'une seconde, Elijah aussi semble hésiter. Ses mains tremblent de rage autour de la corde qui enroule ses phalanges, et même si je ne suis pas capable de voir son visage, je devine sans mal que ses iris s'enflamment. Je sens toute sa colère, comme si elle était mienne. Et même si je m'évertue à reculer de nouveau, j'ai l'impression qu'elle me possède.

𝐖𝐇𝐄𝐑𝐄 𝐖𝐄 𝐁𝐄𝐋𝐎𝐍𝐆.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant