𝟒𝟒.

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Elijah :


Les sabots du cheval frappent frénétiquement la terre mouillée, éclaboussant les feuillages sur notre passage, tandis que nous nous échappons de cette forêt lugubre.

Tout me semble vide, fade et sans vie. Que ce soit ces bois dans lesquels je me réfugiais autrefois, ce ciel terne et incolore, ou encore cette femme dénuée de retenue qui s'accroche désespérément contre moi.

Quand arrivons-nous, Elijah ? souffle-t-elle, la bouche posée contre ma nuque. Votre corps suffit tout juste à me réchauffer. Je meurs de froid.

Je ne bouge pas, les muscles tendus, au risque d'inquiéter ma monture, mais mon ton reste sec et sans appel :

Écarte toi.

Immédiatement, Reyna s'exécute. Ses lèvres quittent ma peau, son corps s'éloigne du mien, mais un long soupir empreint de frustration s'abat sur le haut de mon dos.

Pourquoi êtes-vous aussi froid ? s'entête-t-elle, les mains agrippées sur la crinière de l'animal. C'était pourtant votre idée, de m'amener avec vous. Je pensais que vous seriez un peu plus chaleureux.

Je suis tenté de l'ignorer à nouveau, mais l'amertume qui me tiraille les membres m'obsède. J'ai besoin qu'elle se taise.

Je n'ai pas besoin d'être chaleureux avec toi. Ce dont j'ai besoin c'est que tu gardes tes distances. Et je te conseille de le faire rapidement, avant que je ne décide finalement de t'abandonner ici, sans rien ni personne.

Je ne vois pas son visage, mais je peux d'ores et déjà deviner une moue déçue le déformer. J'en profite alors pour rajouter, les yeux rivés sur le paysage :

Encore une chose. En privé, je suis ton chef. Je ne veux pas t'entendre m'appeler par mon prénom. C'est bien compris ?

Il lui faut quelques secondes de réflexion, avant qu'elle ne réponde à son tour :

Oui, chef. C'est compris.

Le silence nous entoure agréablement, mais sans même attendre une minute de plus, elle le brise à nouveau :

—Cependant, une dernière question me taraude l'esprit. Après ça, je ne vous embêterai plus, vous n'entendrez même plus le son de ma voix, c'est ce que vous désirez non ?

Je retiens un râle, agacé, mais finis par doucement hocher la tête, lui faisant signe de continuer.

Si c'est le prix pour son silence éternel, je pense être prêt à le payer.

Très bien. J'ai conscience de ma mission, je suis là pour être exhibée en tant que votre compagne, mais pourquoi m'avoir choisie moi, et pas une autre ?

Un long silence poursuit sa question. La réponse pourrait être simple, mais pour une raison qui m'échappe, je cherche mes mots.

Tu es habituée aux guerres, tu as survécu à l'horreur, et aussi surprenant que cela puisse paraître, tu es chanceuse. Malgré tous les kidnappings que tu as subi, tu as toujours réussi à trouver un échappatoire, finis-je par attester.

Elle laisse échapper un petit soupir fier, comme si je venais de la complimenter.

Cependant, ce n'est pas la seule raison pour laquelle je t'ai choisie.

Reyna incline la tête de sorte à ce que je puisse la voir, mais je ne me retourne pas.

Je cherche à protéger quelqu'un. Et votre apparence est diamétralement opposée l'une à l'autre. Tu as été choisie de sorte à ce qu'un potentiel agresseur ne puisse jamais vous associer, même par erreur, ajouté-je froidement, sans honte ni pitié.

𝐖𝐇𝐄𝐑𝐄 𝐖𝐄 𝐁𝐄𝐋𝐎𝐍𝐆.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant