𝟑𝟎.

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Mes coups redoublent contre le mur en béton, le punching-ball n'étant plus en mesure de les supporter, et bientôt, mes poings ne craignent plus l'impact qui brise peu à peu mes phalanges.

Je frappe, avec toute la force qui m'anime, en espérant que le mur blindé finisse par me tomber dessus, et avec le désir brûlant que mes amis regrettent amèrement leur décision.
Mais il n'en est rien pour le moment, alors je ne m'arrête pas. Mes phalanges sont sur le point de m'abandonner, mais je n'y prête pas attention.

Azael me dit quelque chose, mais je ne l'écoute pas, trop absorbée par cette douleur sourde qui se glisse à l'intérieur de mes membres. Elle est vive et satisfaisante, et l'espace d'un instant, elle me fait oublier tous les problèmes qui m'attendent à la sortie de la salle d'entraînement. Un problème aux cheveux pourpres, en particulier.

En y repensant, ma colère redouble d'intensité.

Cela doit bien faire six fois dans la journée que je demande à voir Judas, et six fois que l'on me refuse ce droit.

Que ce refus vienne d'Elijah ne m'avait pas étonné le moins du monde. Je l'avais mal pris, certes.
Mais je n'étais pas surprise.

Cependant, il n'avait pas été le seul à s'y opposer.

Azael et Noah, eux aussi, s'étaient mués dans le silence. Ils avaient refusé de répondre à mes interrogations, et lorsque j'avais tenté de quitter ma chambre, le soir même, Azael m'y avait violemment reconduit. Sans aucune explication. Et avec pour seul mot « bientôt. »

Je frappe une nouvelle fois.

Même maintenant, ces deux-là me suivent comme mon ombre.

Ils ont l'air d'obéir aux ordres de ce maudit nomade, et pourtant, quelque chose me souffle qu'ils suivent volontairement ces indications.

Je percute le mur une deuxième fois. Mais cette fois-ci, c'est mon genou qui le rencontre. L'impact est si brutal que tous mes membres se crispent douloureusement. Je suis presque certaine d'avoir senti mon os se fendre.

Alors je frappe encore, et je ne m'arrête pas.

Mon combat avec le chasseur m'a fait réaliser à quel point mon corps était faible. Malgré mes entraînements, mon assiduité, et ma volonté, je suis incapable de remporter un combat à sang froid contre un vampire plus puissant que moi. J'ai besoin d'être animée de peur, de colère, ou de vengeance. Sinon, je n'ai absolument aucune chance.

C'est ainsi que j'ai pu prendre le dessus sur Tante Moira.

Mon envie de la tuer était devenue plus puissante que mon envie de survivre.

Mais désormais, c'est différent. La donne a changé. Je veux survivre. Je veux me battre avec la volonté d'en sortir indemne. Et non plus avec cette haine qui m'anime et me vide.

Je ne veux plus que mon sang se chauffe et m'aveugle de puissance. Je veux qu'il m'encourage et m'incite à me battre, sans jamais me consumer.

Parce-que lorsqu'il se dissipe et que cette haine s'éteint, il ne me reste plus rien.

Esme... je te promets que je t'emmènerai voir Judas. Mais avant ça, arrête de détruire le mur, me souffle Azael d'un ton excédé, comme s'il réprimandait une enfant. Nous avons bientôt un bal de sang, et tes mains doivent être en parfait état d'ici là.

Je m'apprête à l'ignorer une fois de plus, mais sa dernière phrase attire inconsciemment ma curiosité. Je ne veux pas lui parler, pas depuis hier soir, mais son ton sincère m'arrache un léger pincement au coeur. C'est plus fort que moi. Cette nouvelle information capture mon attention. Alors, les sourcils froncés, j'abandonne le mur blindé et me retourne vers lui, qui semble tout transpirant, une serviette enroulée autour du front.

𝐖𝐇𝐄𝐑𝐄 𝐖𝐄 𝐁𝐄𝐋𝐎𝐍𝐆.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant