𝟏𝟕.

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Un rire mauvais s'échappe d'entre mes lèvres, alors que la faim me fait perdre la raison.

Un ordre. Un ordre. Un ordre.

Est-ce le seul mot qu'il est capable de prononcer ?

Je lui adresse une oeillade haineuse, et à mesure qu'il se rapproche, l'allure menaçante, les iris brûlantes, j'accentue ma poigne, mes doigts toujours enroulés autour du poignet de l'humain qui avait tenté de m'attaquer. De son autre main, je remarque qu'il tient une pierre, qu'il a probablement attrapé avant de m'approcher, persuadé que sa petite pierre suffirait à m'assommer, moi, simple marchande, mince et fragile.

Cette ridicule pensée m'arrache un sourire.

Les humains sont drôlement ambitieux.

—Sinon quoi ? articulé-je lorsqu'Elijah se poste à quelques centimètres de moi, son torse touchant presque ma poitrine.

Ma voix est enrouée, sèche, et sans appel. Je suis à bout. Et il le sent, puisque l'espace d'un instant, j'ai l'impression que son regard s'adoucit. Ou alors il s'agit de ma vue qui s'obscurcit.

Face à ma réponse, le muscle de sa mâchoire tressaute, prête à exploser. Je l'agace. Et s'il pouvait, il me laisserait derrière, me laissant pourrir ici, mais ses lèvres s'ouvrent et s'agitent silencieusement, de sorte à ce que je sois la seule à l'entendre :

—Sinon nous mourrons tous. Nous ne retrouvons pas Noah et Judas.

Fronçant les sourcils, je bois ses paroles en ravalant ma salive, me redressant subitement.

En un regard entendu, il me fait signe de relâcher l'humain qui semblait crouler sous ma prise, et après de longues secondes d'hésitation, je m'exécute à contre-coeur, avant d'à nouveau me précipiter vers la fontaine, désireuse d'effacer le reste de boue qui colle sur mon visage.

—Je suis désolé. Ma sœur est une brute, et un peu têtue sur les bords, entendis-je dans mon dos, manquant de me faire renverser dans la fontaine tant ses paroles m'abasourdissent.

Je me retourne brutalement, prête à régurgiter mes plus anciens repas, et observe la scène, estomaquée à l'entente de ce mensonge des plus insultants, tandis que mon assaillant ne semble pas y croire non plus.

En même temps, nos traits divergent en tout point. Je suis charmante, il est abominable.

—Si c'est vraiment ta soeur, ça te feras quelque chose que je l'utilise devant toi ? Cette paysanne n'a probablement pas de toit. Après ça, considère mon poignet cassé payé, raille-t-il en me dévisageant à nouveau, son regard changeant du tout au tout, comme s'il me découvrait.

Je suis figée. Et je tremble. Son regard me répugne. Ses paroles me glacent le sang.

—Si je vends ses yeux après, ils me donneront bien cent pièces d'or, je suis persua-

L'humain n'a pas le temps de finir sa phrase, qu'il est au sol, la mâchoire déboitée, grognant de douleur en tenant ses joues, tandis que je reste accroupie près de la fontaine, abasourdie.

Tout s'est passé si vite, que j'ai l'impression d'avoir imaginé.

Elijah se tient debout, prêt à l'écraser, et tout le monde reste en alerte, tenus en haleine, alors que l'humain s'exclame finalement en une expression d'horreur :

—Un vampire ! Il a des canines !

Le silence qui s'était mis à planer, se brise instantanément.

Tous ceux qui se retrouvaient près de nous, se mettent à reculer en quelques bonds, avant de s'enfuir en hurlant. Certains se percutent, d'autres se poussent et marchent sur ceux déjà à terre, prêts à tout pour sauver leur peau, alors qu'aucun d'entre nous deux n'adresse un regard dans leur direction.

𝐖𝐇𝐄𝐑𝐄 𝐖𝐄 𝐁𝐄𝐋𝐎𝐍𝐆.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant