𝟎𝟕.

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***

Je feuillette brutalement les pages, manquant presque de les arracher, tandis que mon regard retrace impatiemment les lignes.  Du russe.

Au bout de quelques secondes, je referme le grimoire en un soupir, et le jette contre le bord de de mon lit, frustrée, et surtout incapable de déchiffrer les caractères qui parcourent le papier.

Je suis épuisée.

Fatiguée de devoir me concentrer sur la lecture pour éviter de penser, fatiguée de devoir garder les yeux ouverts, malgré les images qui m'apparaissent de manière cruellement nette, malgré les pensées qui s'emmêlent dans ma tête.

Je ne tiens plus à rien.

Et je ne sers plus à rien non plus.   

J'ai échoué. Lamentablement.

J'ai échoué à le protéger du monde qui nous entourait, et j'ai échoué à le protéger de moi-même.

Peut-être que j'ai été trop absorbée par mon sort, pour m'occuper de ce qui le rendait véritablement heureux. Peut-être que si j'avais été moins égoïste et que je n'avais pas tué sa mère, il ne m'aurait jamais détesté.

Peut-être que je n'aurais pas eu à le tuer.

Peut-être que j'aurais dû me laisser mourir.

D'un coup d'oeil vers la baie-vitrée, je peux voir la lune surplomber la forêt, renvoyant ses reflets sur ma peau alors que je reste ainsi, allongée sur le lit, quasiment dévêtue, entourée d'une montagne de livres, et surplombée de regrets.

Je sens mon coeur se comprimer, ma gorge se nouer et je ne peux m'empêcher de lutter, de contracter les mâchoires, de serrer les lèvres, pour éviter de pleurer.

Parce-que si une seule larme ne s'échappe de mes paupières, si un seul sanglot ne s'évade d'entre mes lèvres, je crains ne plus pouvoir m'arrêter.

J'ai bien peur de plus être capable d'étouffer mes pleurs, de ne plus pouvoir masquer mes peurs, de me sentir dominée et choisir de m'abandonner.

D'attraper cette dague et l'enfoncer en plein dans mon coeur.

Alors je me lève, je quitte les reflets de la lune pour me vêtir d'une combinaison, frissonnant douloureusement lorsque le tissu rencontre ma chair, et me dresse devant ma porte, priant pour ne croiser personne.

Cela fait bien quatre jours que je me terre ici, bercée par mes remords, évitant tout contact avec chaque vampire composant cette organisation, dont un en particulier.

Et malgré la compagnie des livres, la présence de la lune et la protection de la forêt, je ne me suis jamais sentie aussi seule.

Même attachée à une chaise, même gisant dans la grange, et baignant dans ma propre marre de sang, je n'ai jamais éprouvé un tel sentiment.

Un tel vide.

Un gouffre qui m'absorbe, à mesure que je parcoure le couloir, à mesure que je gorge mes poumons d'air. Un gouffre qui m'effraie, mais qui se rapproche un peu plus chaque seconde. Comme inévitable. Mais que je souhaite à tout prix éviter.

Et pourtant, il me fait déjà atrocement mal.

La douleur n'est pas physique, mais depuis quelques jours déjà, elle semble se répercuter sur mon corps, comme des coups qui s'abattent lorsque je m'abandonne à mes tourments. Elle m'empêche de dormir, me prive de mes envies, m'anime de dégoût et de regret, et me tiraille par la faim. Elle m'affaiblit, m'assaille de souvenirs, et surtout, me donne envie de mourir.

𝐖𝐇𝐄𝐑𝐄 𝐖𝐄 𝐁𝐄𝐋𝐎𝐍𝐆.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant