𝟑𝟓.

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Je marche, le long du tunnel, sans jamais trouver la lumière. Seuls mes sens me guident, mais je ne vois rien. Que du noir, encore et encore.

Mes pieds nus frappent le sol glacé, glissent sur les plaques d'égout mouillées, et dérapent lorsque l'odeur nauséabonde se met à emplir mes narines.

Et pourtant, je continue.

J'aimerais m'arrêter, mais je ne peux pas. Je ne peux pas m'empêcher de courir, avec ce violent sentiment qui me prend par les tripes.

Et je la sens. Je sens cette ombre qui me rattrape, qui court à ma suite, alors que mes organes se vident sur ma course. Je sens ses bras puissants m'attraper par la taille, et me plaquer violemment contre le sol en béton.

Et je la vois, lorsqu'elle me retourne.

Mon doux trésor, te voilà enfin.

Sa respiration s'arrête sur ma nuque. Ses doigts gantés courent sur ma peau, et je me sens partir alors qu'il me tient contre lui.

Je veux crier, me débattre, et courir. Mais j'en demeure incapable.

Doucement, chuchote-t-il alors que ses bras m'entourent affectueusement. Je ne suis pas là pour te faire du mal.

J'ai mal, j'ai froid, et j'ai peur. Parce-que je sais qu'il ment.

Je dois prendre soin de toi.

Sa main gantée et poisseuse de sang caresse mes cheveux. Tandis que de son autre main, il maintient la plaie béante qui me scie le ventre.

Après tout, tu vas porter mes enfants.

Mon coeur s'arrête violemment. Et je n'ai pas le temps de réagir, que mes yeux s'ouvrent soudainement.

Je me réveille en sursaut, et le cri que je retenais dans ma gorge s'empresse de franchir mes lèvres tremblantes.

Un cri strident, puissant, et atrocement douloureux.

Que se passe-t-il ?! résonne une voix inquiète à mes oreilles.

L'ombre n'est plus là. Mais je ne peux m'empêcher de trembler, la main sur le ventre, persuadée que la plaie est encore présente.

Esme, articule une autre voix, plus féminine.

Mes lèvres mouvent, mais aucun mot ne sort. Je suis incapable de parler, et il me faut quelques secondes de plus avant que mes yeux ne s'acclimatent totalement à leur nouvel environnement.

Une chambre noire, aux reflets bleus.

Qu'est-ce que tu as vu, orpheline ?

Elijah se tient là, devant moi, à l'encadrement de la porte. Il ne bouge pas, il ne franchit pas le palier, bien que la chambre soit sienne, et il se contente de me fixer, les épaules crispées et le visage tendu, à l'attente d'une réponse.

Qu'est-ce que c'était ? répète-t-il sans cacher son impatience, tandis qu'il éloigne d'une main agacée les mèches rougeâtres qui entravent sa vue.

Je suis incapable de lui répondre, mais son regard ne se détache pas du mien pour autant. Et, l'espace d'une courte seconde, je crois voir ses prunelles ambrées se voiler d'inquiétude.

Elle a eu une vision.

La voix émane de lui. Mais les mots ne sortent pas de sa bouche.

Et doucement, alors qu'il pénètre la chambre pour laisser passer l'auteur de ces dires, je ne peux retenir mes sanglots.

𝐖𝐇𝐄𝐑𝐄 𝐖𝐄 𝐁𝐄𝐋𝐎𝐍𝐆.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant