𝟏𝟔.

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Giflés par l'abominable pluie glacée, nous nous contentons d'encaisser les coups, vibrant d'impatience alors que nos chevaux commencent à fatiguer.

Cela doit bien faire six heures que nous arpentons les arbres de la forêt, le ciel s'assombrissant petit à petit, à mesure que les branches ne nous surplombent et nous plongent dans l'obscurité la plus complète.

J'ai comme la vague impression que nous tournons en rond depuis le début.

Tous semblent aussi exténués que moi, mais aucun n'ose briser le silence qui plane au dessus de nous, affaissant nos épaules et courbant nos muscles, comme s'ils étaient tous dépourvus d'interrogations.

Ce qui n'est évidemment pas mon cas.

Discrètement, je me baisse alors vers Judas, inconfortablement attaché au dos de Noah sur le cheval devant moi, et l'interroge à voix basse :

Dans combien de temps sortirons-nous de cette forêt ?

Ma voix est rauque, sèche et douloureuse, tant le manque de sang assèche ma trachée.
Je n'ai pas encore touché aux poches de sang d'Azael, mais j'ignore combien de temps je pourrais tenir ainsi.

Judas me regarde avec attention, ouvrant de petits yeux dans ma direction, avant de répondre à voix basse à son tour :

Nous atteindrons bientôt le village qui surplombe la colline. Tu verras, c'est très joli.

Son petit sourire euphorique suffit à me rassurer, et je lui adresse un léger hochement de tête en guise de remerciement, lui faisant comprendre qu'il peut se remettre à sa place.
Il ne se fait pas attendre, et quelques secondes plus tard, appuie à nouveau sa tête sur le dos de Noah, qui depuis le début, demeure silencieuse, le regard rivé droit devant elle.
Ses traits sont tendus mais ses gestes restent automatiques, comme si elle aussi, connaissait le chemin par coeur.

Les heures passent, lentement, impitoyablement lentement, et personne ne brise le silence à nouveau.
Bientôt, seuls le bruit des sabots et de la pluie nous sont audibles.

Nous sommes placés en file indienne, Elijah ouvrant la marche à l'aide de son cheval épuré, tandis que nos juments le suivent, Maia derrière lui, puis Noah et Judas, et moi en dernier.

Nos chevaux sont recouverts d'une épaisse robe en cuir qui les protège de la pluie et du vent, tandis que nous avons gardé les mêmes tenues depuis le début de la marche, nos vêtements désormais trempés et transparents.

Je suis tentée de lâcher la longe du cheval pour cacher ma poitrine, mais quelque chose au loin attire mon attention. Et rapidement, c'est tout mon corps qui se détend.

L'apparition de quelques maisons, et bientôt, d'un village entier.

Je ne peux retenir mon soupir de soulagement face au chemin en pierre qui se dresse devant nous, nous éloignant ainsi de cette maudite forêt, et d'un léger coup dans les flancs, intime mon cheval d'accélérer la cadence, pressée de pouvoir m'abreuver.

Les arbres s'écartant enfin, je me surprends à humer l'air d'un air fasciné, ravivée par ces effluves de chair et de sueur humaine. Cette vitalité qui me donne l'eau à la bouche.

Et alors que leurs chevaux commencent à me distancer, je me mets à galoper de plus belle, serrant les genoux contre la chair épaisse de cet animal qui se met à hennir joyeusement, avant de marquer un brusque arrêt, manquant de percuter le cheval de devant.

Ce dernier lève le sabot en guise d'avertissement, et mon cheval recule de quelques pas, son épaisse chevelure noire ondulant dans tous les sens, tandis que ma tête se penche sur le côté, tentant d'apercevoir la silhouette d'Elijah, et discerner la raison de notre arrêt.

𝐖𝐇𝐄𝐑𝐄 𝐖𝐄 𝐁𝐄𝐋𝐎𝐍𝐆.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant