𝟐𝟔.

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Silencieusement, nous avons repris la route, vêtus et armés de la tête aux pieds, sans s'adresser la moindre parole ou le moindre regard depuis notre altercation d'hier.

Le silence et la tension plane toujours au dessus de nos têtes, prêts à nous abattre à tout moment, avec pour seuls bruits parasites l'enfoncement de nos bottes dans la neige et le souffle de notre respiration glacée. Si l'on oublie évidemment la présence bruyante du chasseur qui peine à suive la cadence, fermement ligoté et traîné par Elijah, qui avance précipitamment, le visage rivé droit devant lui.

Les mains du chasseur ont été nettement coupées, ne lui laissant plus la possibilité de nous prendre par surprise, comme une punition pour nous avoir attaqué dans le dos. À deux reprises.

Mais à le regarder, cette blessure semble anodine, en comparaison à toutes celles qui lui ont été assenées. Par les soins d'Elijah, évidemment.

J'ai vaguement l'impression d'étouffer, articule difficilement le jäger en désignant la corde férocement attachée autour de son cou, le forçant ainsi à avancer aussi rapidement que son nouveau commanditaire, alors qu'aucun de nous deux ne porte attention à sa peau qui commence à prendre des couleurs inquiétantes.

Ses genoux semblent avoir été brisés en mille morceaux, et ne facilitent en rien sa capacité à soutenir notre rythme quelque peu effréné, son système de guérison ralentissant drastiquement à mesure que nous nous exposons à la température environnante, contre quoi il ne semble pas être protégé. Ses pieds demeurent nus et frigorifiés, et ses orteils sont à deux doigts de l'abandonner dans la poudre immaculée.

Je suis à la fois choquée et impressionnée par l'aspect de ses blessures. On dirait qu'il est mort une dizaine de fois.
Et pourtant, son corps puise dans ses dernières ressources pour obéir à celui qui l'a rendu dans cet état.

Son visage est également parsemé de multiples ecchymoses, variant du bleu au noir, et sa mâchoire a l'air d'avoir été disloquée, basculant anormalement vers le côté droit de son visage comme si une forte pression était exercée de l'autre côté.
Mais sa dysmorphie ne l'empêche pas de parler pour autant, rendant le voyage encore plus désagréable qu'il n'était censé l'être.

Si je meurs, ton ami n'aura plus de souffre-douleur, vibre-t-il d'une voix enraillée à mon égard, la nuque douloureusement contorsionnée vers moi, alors que je continue d'avancer d'un air détaché.

Il s'est visiblement mis en tête que j'aurais un quelconque pouvoir sur l'issue de son sort.

Pauvre garçon. Il ne pouvait pas avoir plus tort.

Ses cheveux blonds sont poisseux de sang et éparpillés dans tous les sens en jonchant son visage, mais ses iris vertes sont toujours visibles.
Et contrairement à ce que je m'attendais, elles pétillent.

Un rire nerveux s'échappe d'entre mes lèvres.

Il trouvera toujours un souffre-douleur. Il est réputé pour ça. Et ce n'est pas mon ami, grondé-je d'un ton menaçant en fusillant le chasseur du regard.

Le principal concerné ne fait aucun commentaire, baigné dans le silence sans même jeter un coup d'oeil dans notre direction, et je me surprends à ressasser notre discussion de la veille.

Je me souviens de cette sensation dérangeante que j'avais éprouvé lorsqu'il m'avait intimé qu'il n'hésiterait pas à me tuer. Qu'il serait prêt à m'ôter la vie pour éviter que ce fichu lien ne se renforce.
Et je n'arrive toujours pas à comprendre pourquoi je m'étais sentie vexée.
Après tout, j'étais à deux doigts de l'abandonner dans la neige quelques heures plus tôt. Avant de l'abreuver de mon sang.

𝐖𝐇𝐄𝐑𝐄 𝐖𝐄 𝐁𝐄𝐋𝐎𝐍𝐆.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant