Evan - V -

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« Je suis surpris que tu m'invites chez toi, ce n'est pas dans tes habitudes » me lance Axel non sans profiter du cocktail que je viens de lui servir.

Effectivement, je préfère bien souvent la pleine vie des quelques lieux festifs aixois. Même si, il faut bien le reconnaître, la plupart des bars ou restaurants que compte notre belle ville sont plutôt calmes et rapidement désertés par les plus jeunes. Je n'ai que vingt-huit ans, mais je fais déjà partie de la classe d'âge qui ne quitte plus sa ville le soir.

« Il n'est pas dans mes habitudes non plus d'être titillé par un étudiant avant même la rentrée ».

Axel, en digne critique gastronomique, s'enfonce dans mon sofa et pose sa main sous son menton. Il me dévisage, boit une gorgée des alcools que j'ai bien voulu mélanger pour lui, et s'amuse de mon attente. Je crois bien qu'il est le seul à obtenir de moi une telle patience.

« La vraie question est ailleurs.

— Je t'écoute, bien que je sache que l'homme débridé que tu es risque de mener à des constats que je désapprouverai ».

Même s'il est mon plus proche ami, Axel n'en demeure pas moins aux antipodes de mon fonctionnement professionnel. Il me qualifie souvent de bipolaire, ou bien d'être atteint d'une forme psychiatrique de bicéphalie, tant mon comportement à l'université ou pour mon cabinet peut se différencier de celui que j'ai dans ma vie privée.

En somme, après avoir écrit quelques mots sur un restaurant, Axel ne refuserait jamais les avances d'une serveuse ou d'un chef qu'il aurait alors croisés. Par avances, il s'agit bien entendu de comprendre une nuit blanche. Bien loin de celles dont j'ai l'habitude pour terminer des dossiers, évidemment.

En l'occurrence, nous nous étions rencontrés à dessein. Je naviguais sans réelle attention sur des applications bien connues de notre communauté quand une photo m'interpella. Je m'en souviens parfaitement, il était torse nu, extrêmement bronzé et portait des lunettes de soleil. La suivante devait être plus claire pour éviter qu'il ne se fasse attaquer pour dissimulation de son visage. C'est son tatouage qui avait piqué ma curiosité. Évidemment : c'était une balance.

Quelques échanges rapides pour convenir d'une rencontre ... disons ... rapide. Rapide dans son délai, pas forcément dans sa durée. Nous voulions consommer rapidement. Malgré nos libidos explosives, l'envie d'échanger prit le dessus. La nuit endiablée se transforma en un date. Puis un deuxième. Et ainsi de suite jusqu'à l'évidence : nous nous plaisions physiquement, mais une amitié se développait entre nous.

Une relation affective aurait conduit à une impasse, tant nous sommes différents. Ainsi l'amitié fut-elle notre solution de repli. Une solution qui dure et qui nous convient. Monsieur continue de multiplier les conquêtes et s'amuse à me les raconter. Quant à moi, je jongle avec un contexte difficile : ne pas rencontrer de potentiels ou d'actuels étudiants.

« Je disais donc, si tu veux bien m'écouter, que tu devrais te poser une autre question. Pourquoi persiste-t-il à te titiller alors qu'à deux reprises tu l'as coincé ?

— J'ai gagné deux fois, mais il aurait aussi pu crier victoire... Je te rappelle qu'il m'a fallu facilement dix secondes avant de trouver une réponse convenable à sa dernière remarque.

— Et dire qu'il faut avoir vingt et un ans pour arriver à te faire taire. Si j'avais su...

— J'aurais dû mettre un poison indétectable dans ton cocktail ».

Axel quitte le sofa pour venir s'asseoir à côté de moi et me forcer à finir dans ses bras. Rien de sensuel, non, il abuse simplement de ma gentillesse en m'infantilisant ainsi. Je crois que ma permissivité avec lui explique aussi pourquoi il trouve un si fort décalage avec ma vie professionnelle.

Au fond, je sais qu'il cherche à me trouver un partenaire. Ce pourrait être de théâtre, de sport – que je ne pratique pas –, sexuel ou de vie, peu importe. Ma solitude, toute relative pourtant, l'insupporte. C'est un geste louable de la part d'un ami, et je ne me considère pas gêné par une telle attention.

« Je peux faire une blague graveleuse ?

— Non merci.

— Dommage. Bon, tu me montres à quoi ressemble ton nouveau jouet ? J'imagine que je vais souvent entendre parler de lui s'il te tient tête ainsi.

— A t'écouter, on dirait que je me paie un toy boy.

— Tu veux ? »

Axel est inarrêtable. Déçu par la photo sur le trombinoscope, le voici en plein espionnage des réseaux sociaux d'Enzo. Il s'amuse tandis que je réponds de mon côté à quelques notifications des toujours présentes applications de rencontres. Je ne les ai jamais supprimées, en dépit de la permanente danse que je suis obligé de réaliser pour éviter tout individu masculin inscrit à l'université.

Ultime évanescence (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant