Evan - XIX -

297 45 2
                                    

Je souris et ne réponds qu'une fois avoir emmené Enzo dans le salon, un verre à la main. Je m'en suis tenu à du jus de pomme tandis que j'ai ouvert une bouteille de vin pour lui. L'ironie est majeure mais je crois qu'il en a bien besoin.

« J'ai mis fin de manière violente à un principe venu de je ne sais où. Je n'allais tout de même pas mettre mes convictions à mal pour qu'en parallèle le premier venu se retrouve dans mes draps.

— Et ton régulier dont tu m'avais parlé ?

— Il a été mis entre parenthèses et je ne suis pas inquiet pour lui.

— Donc, je suis le seul ?

— Ne te mets pas la pression pour autant !

— Tu es agaçant, en fait.

— Je sais ! »

Mon sourire narquois l'agace, je le sais. Je saisis ma cigarette électronique et vapote à la fenêtre que je viens d'ouvrir. Le soleil commence déjà à décliner. Enzo se lève et vient s'appuyer sur mon épaule. Quelques minutes passent, à l'écoute de la musique qui n'est plus si minimaliste. Comme si Glass avait décidé de remplir l'air de plus vives notes.

« Comment tu as su ? Et surtout, comment fais-tu pour tout anticiper ? J'étais en train de penser précisément qu'être ton seul amant impliquait une certaine ... efficacité.

— Ne sois pas ridicule, voyons. Ai-je besoin de te rappeler ce que tu as suscité dans ta douche ? Ou encore dans ta cuisine il n'y a pas dix jours.

— Merci de rappeler mes exploits, sourit-il, moqueur. Je préfère le voir ainsi.

— Au fur et à mesure que nous approchions de ma chambre, tu devenais blême. Il n'a pas été difficile de deviner. Quant à ton inquiétude, je pense que j'ai la même, en dépit de ta décision initiale de ne pas rencontrer d'hommes. Alors, te connaissant, j'ai fait le transfert.

— Tu n'as pas à t'inquiéter, je suis pleinement et de multiples façons satisfait ».

Je lui souffle un moi aussi tandis que sa bouche jouxte mon cou. J'arrête de vapoter et ferme la fenêtre, quitte à l'entendre râler parce qu'il a dû quitter ma peau.

« Puisque nous en sommes aux confidences, ou plutôt aux confirmations de tes intuitions... Je crois que je ne suis pas d'humeur ce soir Evan... Je suis désolé mais... J'aurais peut-être dû te le dire avant de venir. Pour ne pas te faire perdre de temps.

— Enzo... En – zo. J'ai une question pour toi. Quand tu passes dans mon bureau juste pour m'embrasser, ou pour discuter, ou encore simplement pour me masser, as-tu eu l'impression de perdre ton temps ? »

Enzo me regarde, décontenancé. Je reconnais que mon étudiant ce soir n'est pas celui du premier jour. Plus fragile, plus sensible, moins réactif. Contrairement à ce qu'il imagine, il n'en est pas moins intéressant ou désirable. Et peu importe si le deuxième adjectif ne semble pas adéquat aujourd'hui, le premier prendra le dessus.

« Non, je le fais avec plaisir. Pour passer du temps avec toi. Nous nous entendons bien, en plus de l'alchimie sexuelle. Qui repose aussi sur le fait que tu m'attires intellectuellement. Tu as raison. La boucle est bouclée ».

Je retire tout ce que je viens de dire : il reprend du poil de la bête plus vite que prévu. Je ne peux que m'en réjouir et lui retire son verre pour continuer cette discussion sans que l'alcool n'ait d'effet sur ses raisonnements.

« Bien, alors soyons plus clairs : étant donné que nous sommes tous les deux exclusifs, te sens-tu plus à l'aise ?

— Moins perturbé du moins à l'idée que tu aies récemment pu avoir été accompagné dans ces lieux, déclare-t-il alors que je m'attendais à une réaction sur la notion d'exclusivité.

— Tant mieux, dis-je contrarié que mon plan ait échoué.

— Alors, comment te sens-tu quand ton interlocuteur devine tes pensées ? »

Enzo me laisse pantois. Il avait compris le petit piège que je venais de lui tendre...

« Et pour te répondre, les étiquettes ne m'intéressent toujours pas. De fait, nous ressemblons à des sexfriends exclusifs. Soit, pourquoi pas. Mais nous sommes surtout libres.

— Je constate que tu n'es définitivement plus perturbé.

— Mais toujours aussi fatigué pour ne pas te sauter dessus ».

Je lui souris pendant qu'il se laisse tomber sur le sofa. Je le rejoins. Il place ses jambes sur les miennes. Nous sommes restés ainsi une heure, à simplement parler.

Ultime évanescence (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant