Dix-huit heures, déjà. La journée a été extrêmement longue, mais je ne l'ai pour autant pas sentie s'écouler. Elle m'a glissé des mains. Je rassemble quelques affaires et, à cause d'un mal de tête, n'aspire qu'à rentrer chez moi. Malheureusement, quelques coups se font entendre à ma porte. J'autorise la personne à entrer.
« Bonsoir Evan, je te dérange... ? demande Enzo en fermant la porte avec douceur.
— C'est toi ? Je t'en prie, installe-toi, je me réjouis de te voir ».
Mon étudiant s'avance, se débarrasse de son sac sur le sol et s'arrête subitement. Je suis debout derrière mon bureau et je le vois hésiter. Sa main semble s'approcher et je comprends le malaise. Je m'avance donc par-dessus mon ordinateur et installe ma main dans son cou pour qu'il vienne vers moi. Nous nous embrassons quelques secondes.
« Tu vois décidément tout, râle-t-il.
— J'ai surtout vu que tu allais me serrer la main. Nous sommes seuls, ne charrie pas...
— Désolé, je ne voulais pas paraître insistant ou...
— Je pense que tu en avais envie, puisque tu n'as pas attendu que ma main touche ta peau pour t'avancer... Alors pourquoi choisir une autre option ? lui souris-je.
— C'est bon, ça y est, j'ai retrouvé le prof du colloque en train de me remettre gentiment à ma place, dit-il tout en s'enfonçant dans le fauteuil.
— Si je comprends bien, je suis ton aigri prof quand tu n'es pas satisfait et...
— Je t'interdis de continuer, éclate-t-il de rire.
— Promis ! ».
Je continue à ranger mes affaires pendant qu'Enzo reste assez silencieux. Sa présence dans mon bureau est une belle opportunité dans la mesure où nous n'avons pas eu l'idée pourtant utile d'échanger un moyen de communication plus adapté à nos échanges.
« D'ailleurs, il serait sans doute pertinent que tu aies mon numéro de téléphone personnel, tu ne crois pas ?
— Donc j'aurai le droit de téléphoner à mon professeur, c'est bien ce que tu es en train de me dire ? me questionne-t-il avec un immense sourire sournois.
— Ou bien m'écrire par SMS, c'est tout aussi efficace. Prends la carte de visite qui est à ta droite et donne-moi ton numéro, s'il te plaît ».
Enzo se venge de mon ironie et continue à gentiment se moquer. Pendant que je fais défiler mon répertoire, je vois des noms qui font écho à des nuits sans sommeil. Le mal de tête n'aidant pas, je suis pris d'une certaine confusion. Nous n'avons pas parlé d'un sujet que je crois pourtant crucial. Sa dictée terminée, je prends mon courage à deux mains.
« Ecoute-moi Enzo, je vais être honnête avec toi...
— Tu es effrayant quand tu commences une phrase ainsi !
— C'est un sujet délicat... Disons que je n'ai pas souvent l'habitude de passer mes soirées ou mes nuits seul. Et même si nous nous sommes protégés, même si je me protège aussi toujours par ailleurs, je souhaitais savoir si... Comment dire. Savoir ce qu'il en était de ton côté.
— Moi ? Enzo éclate de rire.
— En quoi est-ce si risible ?
— Je n'ai pas vu d'homme depuis le début de l'été. Et je n'ai pas prévu d'en voir durant mes études ici. Je te rassure, rien à avoir avec toi.
— Tu ne m'en voudras pas, mais ma céphalée m'empêche de comprendre clairement ton raisonnement ».
Enzo fait la moue en constatant mon mal de tête et se lève pour s'installer derrière moi. Il fait craquer ses doigts et commence à masser mes tempes.
« Avant que tu ne râles, tu te tais et tu écoutes. J'ai toujours aimé masser donc tu me laisses faire. Je me suis fait une promesse : pas de divertissement venant des hommes pendant mon année à Aix. Cet été, je n'ai pas eu d'occasion et je n'ai rien cherché. Disons qu'il y a eu un contretemps avec toi. Mais tu n'es pas un divertissement, tu es de l'université. Je sais que tu m'engueuleras si je ne travaille pas assez ».
Je ne réponds rien car ses mains m'aident à me détendre et participent en effet à ma décontraction. En soi, il n'a pas tort. C'est amusant dit ainsi.
« Je note... Mais tout ceci crée un nouveau problème : si toi tu ne vois personne d'autre, je risque de me sentir en porte-à-faux si, de mon côté, je continue à fréquenter frivolement certains hommes...
— Tant que tu es en forme quand nous sommes ensemble, se moque-t-il. Tu as conscience que tu es en train de faire ressurgir tes règles et tes principes alors que nous nous étions promis hier de ne rien rendre compliqué.
— C'est juste une question de respect.
— Alors je te dis que tu fais ce que tu veux, affirme-t-il en m'embrassant langoureusement.
— Avec de tels arguments, je risque d'avoir envie de te donner la priorité.
— Peut-être est-ce volontaire...
— Et ce d'autant plus que nous n'avons pas encore exploré toutes les possibilités... »
Enzo jubile et reprend possession de ma bouche.
VOUS LISEZ
Ultime évanescence (BxB)
RomansaA Aix-en-Provence, la justice et le droit règnent en maîtres. Travailler ou étudier dans cette ville est un privilège que de rares chanceux connaissent. Que se passe-t-il quand, à cet honneur, s'ajoutent des rencontres imprévues et faisant vaciller...