Evan - IX -

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Il n'est pas dans mon habitude de devoir rappeler la discipline dans l'enceinte de la faculté. Pour autant, je n'arrivais plus à me concentrer, je ne pouvais qu'intervenir. Le calme revenu après mon rapide mot, je ne souligne pas, malgré mon envie, le manque de politesse de celui désormais surnommé l'étudiant capuché. Fort heureusement était-il en pleine lecture d'un livre ou d'un autre quelconque écrit, sinon, je n'aurais pu me retenir.

Alors que j'allais quitter la salle, l'intéressé lève la tête et descend sa capuche beige. C'est Enzo. Je dois avouer être surpris. Il ne m'a jamais paru impoli, y compris dans ses scuds. C'est inattendu de sa part. Tout autant que sa réserve vis-à-vis de nos échanges écrits avec le groupe du tournoi. Leur enseignante toujours absente, je prie Enzo de me suivre.

La salle reste silencieuse tandis que mon étudiant récupère ses affaires, à raison au regard de l'incertitude persistante quant à la sûreté des lieux. Assis à mon bureau, le voici entrant et fermant la porte. Sa tenue monochrome est quelque peu originale, même si la couleur du haut est légèrement plus claire que celle du bas.

« Je souhaitais simplement m'assurer que vous étiez toujours aussi investi dans le tournoi, Enzo.

— Bien sûr, pourquoi cette question ? ».

Je retrouve ici, à petite dose, la verve du jeune homme qui ne sait pas se contenter de répondre à une question sans en proposer une autre.

« Je vous ai trouvé moins actif ces derniers jours, tandis que vos camarades n'ont de cesse de me solliciter.

— Je ne tiens pas à multiplier les demandes comme eux. Je préfère vous écrire quand je suis face à une impasse. Il faut savoir être autonome.

— C'est assurément une qualité, cher Enzo. Je comprends donc. Votre indépendance ne peut qu'être louée ».

Je le vois faire la moue sans pour autant répondre. Décidément, même si je feins la compréhension, je vois qu'Enzo n'est pas le même. Une forme de distance. J'allais lui parler de sa capuche quand il se décide à commettre une réponse.

« Mon autonomie ne signifie pas que je suis indépendant. Au contraire.

— Puis-je vous demander des précisions ? lui dis-je, perplexe.

— Même si j'évite les sollicitations multiples, je ne cherche pas à être indépendant vis-à-vis de vous.

— Dans tous les cas, je demeure disponible, tentai-je de le rassurer, sans être convaincu de répondre convenablement à cette énigmatique phrase.

— L'êtes-vous réellement ? »

Jusqu'à présent, le jeune homme ne fixait que le bas de mon bureau, ne me jetant que ponctuellement un regard furtif pour s'assurer de mon écoute. Point de chevalière aujourd'hui avec laquelle jouer, il n'a que ses doigts pour signifier le léger malaise. Ils jouaient avec la lanière de ce haut.

En revanche, ces trois mots marquent la fin de l'état second d'Enzo. Je retrouve l'étudiant vif qui, la tête haute, me défie du regard. Un regard plus profond qu'habituellement. Ses pupilles sont légèrement dilatées, leur noir prenant quelque peu le pas sur le marron que j'avais remarqué la semaine dernière.

Ses trois mots ont été accompagnés d'un geste conquérant majeur : ses mains croisées sont posées sur mon bureau. Quant à moi, je ne trouve qu'une manière de répondre sans perdre la face, me lever et venir m'asseoir sur le coin de mon bureau. Enzo recule sa chaise et la pivote légèrement pour m'observer.

« Je ferai de mon mieux pour que votre tournoi se déroule de la meilleure des manières, ainsi que l'ensemble de votre scolarité. Peut-être rejoindrez-vous mon master l'an prochain.

— Je n'ai pas envie de devoir attendre, Evan.

— Soyez plus clair Enzo, je vous prie ».

Il se lève et, bien que je sois plus grand que lui, puisqu'assis sur le bureau, le voici à ma hauteur.

« Si, à cet instant, je devais avoir un geste qui dépassait le cadre universitaire, que se passerait-il ? Si je laissais mon esprit être encore plus clair, pour ne rien vous dissimuler, qu'adviendrait-il, Evan ? J'ai besoin de savoir.

— Vous êtes un étudiant Enzo.

— Je suis informé de mon état, Evan. En revanche, le fait que je sois un homme ne semble pas vous gêner, si je comprends bien, sourit-il, victorieux.

— En effet, ce point-ci n'est pas un problème, admets-je sans détour.

— Et je ne suis pas votre étudiant.

— Vous le serez probablement les années qui viennent.

— Nul ne sait quel sera mon avenir ».

Enzo est face à moi, assuré. Je suis contraint au mutisme, tant c'est inattendu.

Ultime évanescence (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant