Épilogue

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« Donc, si je comprends bien, tu as fait tout ça pour lui ? C'est fou... ».

Sa candeur m'amuse. Quel est ce tout ça ? Et ce n'est pas pour lui... C'est pour moi, grâce à lui.

« Disons plutôt que je suis là aujourd'hui grâce à son aide.

— Le rencontrer a été le déclic, alors.

— C'est bien pour cela que je te répète en permanence de ne jamais sous-estimer les relations que tu tisses.

— Je ne suis qu'au lycée, tu sais, j'ai encore le temps.

— Tu me traites de vieux ?

— Oui ! ».

Il récupère son téléphone et se lève. Alors qu'il allait partir, je vois mon petit-fils s'arrêter brusquement et me regarder :

« Je suis content d'avoir appris tout cela, tu sais. Même si je suis triste de savoir qu'à votre époque vous deviez cacher votre relation. Qu'il fallait autant segmenter.

— Parce que nous le voulions.

— Ce n'est pas à cause du regard des autres, de l'homophobie ?

— Nous n'en avons pas souffert, nous.

— Mais vous avez eu du mal à vous retrouver dans les cases, dans les étiquettes. Ce n'est plus notre cas.

— Tu as raison. Après tout, regarde tes parents, ils t'ont eu à vingt-et-un ans. A mon époque, on aurait douté de leur capacité, si jeunes, à t'élever. Quand je te vois aujourd'hui écouter mes histoires de cœur, je me dis que j'ai de la chance.

— Si je t'écoute, tu as toujours beaucoup de chance. Pour lui, pour ta fille, pour ton petit-fils. Regarde aussi ce que tu fais pour obtenir la chance en question ».

N'y a-t-il pas de plus beaux mots que ceux-ci ? J'ai beaucoup d'affection pour mon petit-fils. Chance ou non, je mesure tout de même le caractère exceptionnel des relations dans ma famille. Je vois bien, autour de moi, la manière dont se dégradent les liens intimes, familiaux, amicaux.

Mais il a raison sur un point. J'ai aussi provoqué ces chances. Avec Evan, par exemple. C'est moi qui ai fait le premier pas. Avec la thèse. Avec ma fille. J'ai agi. Je me suis battu. Malgré tout, malgré les peurs, malgré les regards, malgré l'immensité de la tâche à accomplir. J'ai réussi.

« Je vais devoir t'interdire de discuter avec ton second grand-père je pense.

— Parce que tu penses réellement que je me réjouis de t'entendre ressasser ces vieilles histoires ? »

Évidemment, il a fallu que l'intéressé tende l'oreille. Je ne réponds pas et laisse filer notre petit-fils qui a rendez-vous avec une étudiante. Décidément, il aura hérité de l'un de nous deux de son attirance pour plus âgé que lui... En espérant qu'il ait aussi obtenu du second son éloquence et sa capacité à naturellement charmer ses conquêtes...

Ultime évanescence (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant