Evan - VI -

407 45 7
                                    

Je me réveille à quelques pas de l'université. Tout est prêt : ma chemise blanche teintée de rouge, mon chino beige et mes chaussures marrons. Mon sac préparé en toute vitesse, après une douche indispensable, j'ai quitté hier soir mon appartement pour rejoindre chez lui l'éternel amant dont je peine à me souvenir du nom.

Nous n'avons quasiment jamais parlé de la situation. Un contrat silencieux et tacite aux termes simples : que le premier ayant l'envie de voir l'autre le dise sans détour. Peu importe l'heure, une tentative. En général, tout se déroule parfaitement bien. Même s'il faut, bien sûr, ajuster nos emplois du temps.

Aucun de nous deux n'a quitté l'autre après le contrat rempli. Nous avons toujours passé la nuit ensemble. D'abord, parce que nous avons la fougue nécessaire pour profiter encore davantage l'un de l'autre. Surtout, parce que l'intimité ne nous effraie pas. L'affection, même déconnectée de tout sentiment, après l'ardeur est une cerise que je déchiquette bien volontiers sur le gâteau.

J'enfile mes sous-vêtements puis mon chino pour entendre un léger râle dans mon dos.

« Déjà le matin ?

— Salut Maxence. Je n'ai pas été silencieux, excuse-moi.

— Tu l'es toujours, j'ai le sommeil léger, nuance ».

Je souris, du fait de mes pensées lubriques, mais continue de m'habiller sans commenter.

« Je n'avais pas vu que tu avais ton sac. Je pensais donc que tu serais parti au petit matin.

— Je ne l'oublie jamais. Et dans l'hypothèse improbable où je n'aurais pas mes vêtements, soit je t'aurais averti, soit tu m'aurais bien volontiers proposé un prêt.

— Cas numéro trois : je te kidnappais pour profiter de toi quelques heures de plus.

— Encore ? »

Je finis de ranger mes affaires et ne peux m'empêcher d'être malicieux. Mon sac tombe au sol, me contraignant à étirer mon dos en le récupérant. En moins de deux secondes, Maxence dépose ses lèvres sur le bas de mon dos.

« Toujours...

— Inutile de te confirmer la réciprocité de ton envie. Mais je dois être encore passer me prendre un petit-déjeuner avant d'arriver à la faculté.

— J'ai une cafetière, ici, tu sais.

— Mais pas de théière, de croissants, de pains aux raisins et de jus de fruits. Et si tu en avais, je ne tiens pas à dépouiller ton garde-manger ».

Je termine de boutonner ma chemise tout en étant gêné par des lèvres insistantes qui suivent le mouvement de mes doigts.

« Si tu peux éviter de laisser des traces sur mes vêtements propres, tu serais bien aimable.

— Pardon » ronronne-t-il.

Un vrai faux baiser sur ses lèvres, une légère main baladeuse sur son corps nu et me voici dévalant les escaliers. J'ai l'habitude de telles escapades nocturnes et d'un petit-déjeuner rapide dans mon bureau. Le léger inconfort provoqué par cette nuit est compensé par toute la confortable légèreté qui l'accompagne.

Je m'arrête donc à ma boulangerie préférée qui, fort heureusement, pense simplement que je viens de temps en temps par fidélité prendre mon petit-déjeuner chez eux. De l'intérieur, je vois passer des collègues, des étudiants. Bref, toutes celles et tous ceux qui ont une vie en-dehors de l'université.

Les bras chargés, je rentre dans mon bâtiment et y vois quelques groupes que je salue. Un étudiant seul, avec son casque, est appuyé sur le mur. Inutile de chercher bien longtemps qui il peut être, je reconnais Enzo. Je continue ma route mais le fixe pour pouvoir le saluer lui-aussi quand son regard se lèvera.

Je n'ai pas le temps de dire un mot que le voici sourire avec défi en me voyant passer. En revanche, je constate pour la première fois qu'il triture sa bague. Jolie, d'ailleurs. Étrange de jouer avec une chevalière qui pourrait largement le blesser en cas de mouvement brusque. Il est légèrement tremblant. Un frétillement. A peine. Je hoche la tête en lieu et place d'une parole et continue ma route. J'ai faim.

Ultime évanescence (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant