Chapitre 20

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— Pour ce qui est des marques de torture sur ton corps, elles s'atténueront avec le temps mais elles ne disparaîtront malheureusement jamais. Ta peau est brûlée à vif.

— Je m'en doutais, dis-je calmement.

— Et pour la bonne nouvelle, c'est que votre enfant est un petit garçon et que pour l'instant il est en vie !

C'était la première bonne nouvelle de la journée, j'affichai un léger sourire, mais mon regard se fixa sur le bout du lit. Là où ma jambe devait être, ce qui me fit immédiatement retomber dans la réalité. Ma vie était gâchée.

— Un policier attend devant la porte pour vous interroger tous les deux. Prenez votre temps et quand il sera parti, un psychologue viendra pour vous, Ava.

— Pourquoi seulement pour moi ?

— Votre frère n'a pas perdu sa jambe et votre état psychologique semble plus fragile que le sien.

J'étais ahurie, mon état mental était plus fragile que celui de Louis ? Je savais que je ne devais pas parler, mais c'était si facile de dire que j'étais faible par rapport à Louis ! C'était lui qui m'avait frappée et violée ! Bien sûr que lui allait bien, il avait un petit studio, de la nourriture, de l'hygiène, tout.

J'avais déjà entendu le proverbe « il n'y a qu'un pas de l'amour à la haine » et cet événement me le prouvait. Je me résignai à ne rien laisser paraître, je savais que j'étais en colère sur le moment, mais que j'allais me calmer.

Un quart d'heure plus tard, le policier entra et se présenta : Inspecteur Dorlt.

— Mademoiselle Lips, pouvez-vous me raconter depuis le départ ce qu'il s'est réellement passé s'il vous plaît ?

Je pris une grande bouffée d'air avant de commencer à divulguer les moindres détails sur cette histoire sordide.

— Tout a commencé le soir de l'anniversaire de ma meilleure amie, Nora. Nous lui faisions une surprise avec quelques amis, je devais les rejoindre au cinéma. J'étais sur la route et deux hommes m'ont abordée. Ils m'ont seulement demandé si j'avais un briquet et j'ai continué mon chemin. Quelques minutes plus tard, je ne sais pas comment ils ont fait, mais ils se sont retrouvés devant moi. L'un d'eux m'a violemment poussée par terre et m'a endormie avec un mouchoir imbibé d'un produit. Je me suis réveillée dans une salle vide, j'étais enchaînée. Un homme, M. Turner – ou Richard –, est entré très bien habillé d'un costard et il m'a jeté une chemise d'hôpital par terre pour que je m'habille avant de me détacher pour que nous allions rejoindre les autres. Nous nous sommes donc dirigés vers « la salle de groupe ». Il y avait dix-neuf autres filles, la plupart pleuraient. M. Turner nous a expliqué les règles du jeu.

— Un jeu vous dites ?

— Tout à fait, un jeu. Il nous a expliqué que dorénavant nous n'étions que des...

Je ne parvenais pas à le dire, pas en présence de mes parents et surtout de Bastien.

— Est-ce que vous pouvez sortir s'il vous plaît ? demandai-je gentiment en m'adressant à eux.

Ma mère m'adressa un regard assassin et se leva sans dire un mot. Mon père la suivit, mais Bastien ne bougeait pas.

— Toi aussi, Bastien, dis-je froidement.

— Non je veux rester, j'ai le droit de savoir.

Encore une fois, j'hallucinai. Il me dégoûtait de plus en plus. J'avais besoin de me livrer, de le dire, mais pas devant lui et il ne comprenait pas ça. Mais je savais bien que s'il ne réagissait pas très rapidement, j'allais vriller.

— Sors, maintenant.

— S'il te plaît, bébé...

— Ne m'appelle pas « bébé », et je t'ai demandé de sortir !

Il ouvrit grand les yeux et se leva, déçu de mon comportement.

— Bien, reprenons, conseilla l'agent de police.

— Nous n'étions plus que de simples jouets. Nous étions donc vingt filles et il y avait dix hommes que nous devions appeler « Maître ». Il y avait deux filles pour chaque dominant. M. Turner a fait entrer les dominants qui se sont concertés pour choisir deux filles chacun. Les dominants ont eu 24 heures pour choisir la fille qu'ils garderaient. L'autre serait tuée. Je me suis retrouvé avec un dominant qui se nommait Tom. Il ne m'a pas choisie et le lendemain, moi et neuf autres filles étions prêtes à nous faire tuer. Mais M. Turner a préféré me garder comme sa soumise personnelle, car il aime les rebelles. Neuf filles se sont faites tuer sous mes yeux.

— Comment ?

— Il a tourné la situation en une sorte de jeu. Il a dit un secret à chacune des filles et les a torturées jusqu'à ce qu'elles craquent et divulguent leur secret. Celle qui tiendrait le plus longtemps aurait la mort la moins douloureuse et à l'inverse, celle qui tiendrait le moins longtemps aurait la pire des morts.
Natasha et Louisa ont tenu le plus longtemps et en récompense elles sont mortes d'une balle dans la tête.
Carolina et Jasmine sont arrivées en seconde place, elles sont mortes étouffées à l'aide d'un coussin.
Ensuite, c'était le tour de Dalia et Laurine qui sont arrivées troisièmes, elles sont mortes pendues. Quant à Estelle, Zoé et Julie, elles sont arrivées dernières. Il les a enterrées vivantes.

— Vous les avez toutes vues se faire tuer ?

— Non, seulement Natasha et Carolina. Je ne pouvais pas regarder, c'était trop dur, il m'a donc fait sortir.

— Quand est-ce que votre frère est arrivé ?

Arriva le moment où je devais improviser.

— Lorsque j'ai désobéi et en quelques sortes provoqué M. Turner, il a voulu me faire souffrir en kidnappant l'un de mes proches.

— Comment avez-vous eu les blessures sur votre corps.

J'avais mal au cœur, mes blessures n'étaient pas seulement physiques. Chaque coup de fouet était un coup sur le mental.

— Je ne veux pas en parler.

— Qui est le père de l'enfant ?

— Je ne sais pas.

— Comment ça ?

— J'ai été violée par deux hommes.

— Lesquels ?

Je me tournai pour faire face à Louis qui baissait la tête, honteux.

— Tony et Louis.

— Louis, votre frère ?

— Oui.

— Était-ce délibérément ? interrogea-t-il en s'adressant à mon frère.

— Bien sûr que non ! Répondit-il sur la défensive.

— Étiez-vous consentants ?

— Pas au début.

— Très bien, j'interrogerai votre frère dans une autre pièce, je crois que vous avez besoin de vous reposer, mademoiselle Lips. Bon courage, à très bientôt. Vous serez convoquée pour témoigner lors de l'audience de M. Turner.

Il finit de noter tout ça dans un petit bloc note et nous remercia pour notre coopération avant de s'éclipser.

AvaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant